Robert Latimer, ce fermier de la Saskatchewan qui a mis fin aux jours de sa fille lourdement handicapée en 1993, n'hésiterait pas à commettre le même geste aujourd'hui, sachant les conséquences qui l'attendraient. L'homme, qui vient d'obtenir sa libération conditionnelle, garde toutefois un souvenir très amer de son expérience avec le système de justice.

Dans une entrevue exclusive accordée à l'animatrice Anne-Marie Dussault qui a été diffusée hier soir sur les ondes de Radio-Canada, Robert Latimer est revenu sur les motifs qui l'ont poussé à asphyxier sa fille Tracy au monoxyde de carbone. Il s'agissait de sa première intervention dans les médias depuis sa libération conditionnelle complète, en décembre dernier.

«C'était difficile, mais ce n'était pas triste... C'est quelque chose qui devait arriver. Elle en avait assez», a-t-il déclaré.

Au cours de l'entretien, Latimer a confié qu'il pensait avoir pris la bonne décision sur le plan moral, car il voulait avant tout abréger les souffrances de sa fille. Âgée de 12 ans au moment de sa mort, Tracy Latimer était atteinte de paralysie cérébrale. Elle ne pouvait ni parler, ni manger, ni bouger. «C'était de la torture. Tracy avait subi beaucoup d'épreuves, des opérations au dos et des tiges dans la colonne, a-t-il expliqué. Pour son opération suivante, les médecins voulaient couper une partie de son fémur. Puisqu'elle prenait des médicaments pour l'empêcher de faire des convulsions, la seule chose qu'elle pouvait prendre pour faire face à la douleur, c'était des Tylenol.»

Il a également sévèrement blâmé les juges, procureurs et témoins qui ont participé à son dossier. «Il s'agit uniquement d'une bande de mauvaises personnes religieuses, arrogantes et préoccupées par la rectitude morale. Ils ne se sont jamais souciés de Tracy, ni de sa souffrance. Ils voulaient seulement redorer leur propre image.»

Au cours de l'entrevue, Latimer a critiqué le fait qu'il n'avait pas eu droit à un procès devant jury. Il s'est également interrogé sur ses conditions de libération, plus sévères que celles de Karla Homolka, reconnue coupable du meurtre de deux adolescentes avec son ex-mari, Paul Bernardo. «Elle est libre maintenant, tandis que j'ai une peine d'emprisonnement à vie et que mes déplacements sont restreints à un rayon de 50 milles.»

En raison de cette restriction, Latimer ne peut pas aller vivre sur sa ferme avec sa famille, à la campagne. Il vient de terminer un cours pour devenir électricien.