L'ex-imam montréalais Saïd Jaziri a été formellement accusé d'être entré illégalement sur le territoire américain, caché dans le coffre de la BMW d'un passeur. Toujours incarcéré, il est passible de jusqu'à six mois de prison ou d'une amende. Ces démêlés risquent de compliquer les démarches qu'il a entreprises pour obtenir le droit de revenir à Montréal.

Saïd Jaziri a été transféré à la fin du mois de janvier à la San Diego Correctional Facility, prison «privée» réservée aux hommes.

L'imam d'origine tunisienne, qui a longtemps prêché à la mosquée Al Qods, rue Bélanger, dans le quartier Villeray, n'est pas au bout de ses peines. Un de ses deux avocats, Me Wayne C. Mayer, a indiqué à La Presse qu'il était aussi détenu en tant que «témoin important» dans une cause «sous-jacente» d'immigration illégale. Or, poursuit Me Mayer, le processus judiciaire est suspendu au motif que l'un des deux défendeurs serait atteint «d'une souche hautement infectieuse de tuberculose».

«Quand ce défendeur sera autorisé par les médecins à venir témoigner - bientôt je l'espère -, je prévois qu'il plaidera coupable et que M. Jaziri sera probablement libéré.» Il faudra toutefois tenir compte de la peine qu'il devra éventuellement purger pour son entrée illégale en sol américain.

Il a été arrêté le 11 janvier dernier près de San Diego alors qu'il se trouvait dans le coffre d'une BMW. Selon les documents produits en Cour, il avait pris l'avion de Tunis vers l'Europe puis l'Amérique centrale avant de rejoindre la ville mexicaine de Tijuana. Il aurait versé 5000$ à un groupe de passeurs pour gagner les États-Unis en pleine nuit.

Requête au Canada

De leur côté, ses avocats montréalais, Mes Julius Grey et Simon Gruda, s'apprêtent à présenter une requête en Cour fédérale afin de faire casser la décision du ministère de l'Immigration, qui refuse d'accorder le pardon à leur client. Il est interdit de séjour à vie au Canada à la suite de son expulsion et devait donc obtenir la permission du ministre de l'Immigration pour pouvoir revenir. Mais les derniers démêlés de M. Jaziri aux États-Unis risquent de compliquer le dossier, craignent maintenant ses avocats.

Saïd Jaziri a été expulsé du Canada en octobre 2007 et renvoyé en Tunisie dans un avion privé affrété par le gouvernement canadien. Il a longtemps invoqué le risque de torture si on le renvoyait à Tunis. À peine débarqué en Tunisie, il a accusé les fonctionnaires canadiens qui l'escortaient de l'avoir torturé physiquement dans l'avion. Immigration Canada lui reprochait notamment d'avoir caché ses antécédents judiciaires en France. Saïd Jaziri avait en effet été condamné en août 1995 à huit mois de prison fermes par le tribunal correctionnel de Nice pour complicité de coups et blessures volontaires ainsi que dégradation de biens. Le président du tribunal l'avait même qualifié d'«intégriste» dans son jugement.

Jaziri a débarqué quelques mois plus tard à Montréal après un court séjour à Londres. Il a rapidement obtenu le statut de réfugié puis de résident permanent. Les choses se sont gâtées en 2005, lorsque le Canada a décidé de lui retirer son statut de résident permanent à cause de ses omissions sur son passé. Saïd Jaziri est connu pour ses prises de position controversées et ses propos enflammés. Il est marié avec une Québécoise et père d'un enfant né après son expulsion. Sa femme est vice-présidente de l'association coranique propriétaire de la mosquée Al Qods, lieu de culte évalué à 1,2 million de dollars par la Ville.