Un policier expert des gangs de rue a demandé en audience à la Régie des alcools, des courses et des jeux de ne pas permettre la réouverture du café-bar italien Ferrari, dans Rivière-des-Prairies, car il craint pour la sécurité publique.

Le sergent-détective Jean-Claude Gauthier, de la division des renseignements criminels de la police de Montréal, a dit que les propriétaires du bar vendaient de la drogue et qu'ils utilisaient les membres des gangs de rue, mais sans les payer.

«C'est la guerre entre les gangs d'allégeance rouge et les Padula, propriétaires de l'établissement, a dit M. Gauthier. Un groupe, les 44 Unit, affiliés aux Bo-Gars (des «rouges»), veut se débarrasser des Padula pour manque de respect à son égard.»

Des fusillades ont éclaté au Ferrari et dans un bar voisin, le D Lounge, qui a vu lui aussi son permis suspendu.

«La recrudescence des actes criminels posés dans le but d'intimider le propriétaire laisse craindre le pire», indique la Régie des alcools dans un avis de convocation qu'elle a envoyé à l'avocat des propriétaires.

«La présence de gangs de rue, le port et l'utilisation d'armes à feu amplifient le risque pour la vie, la santé et la sécurité des citoyens... Au cours des journées du samedi et du dimanche 29 et 30 mai 2010, des individus de race noire ont simulé des drive by shooting (des tirs à la volée) face au Bar Ferrari ainsi que face au D Lounge resto-bar dans le but d'intimider.»

Cela signifie que des gangsters passaient devant les établissements en pointant leur index dans leur direction comme s'il s'agissait d'une arme à feu, a expliqué M. Gauthier. Des informateurs ont indiqué à la police qu'un des frères Padula planifiait le meurtre d'un gangster, a-t-il ajouté.

Inquiets, les policiers ont accru leur surveillance. Le 3 juin dernier, un gangster bien connu, Ezekiel Monuma, 31 ans, s'est approché du café Ferrari dans sa voiture. Curieusement, un des frères Padula s'est adressé aux policiers de façon agressive pour leur demander de partir.

«Il a dit qu'il voulait tisser des liens avec lui, a dit M. Gauthier. Ezekiel n'est pas n'importe qui: il a déjà fait de la prison pour meurtre. Il a même déjà tiré sur un membre d'un gang de rue adverse devant les policiers, près du Centre Bell, lors d'un spectacle de rap. Le gars s'en est tiré parce qu'il portait un gilet pare-balles... Ça m'inquiète de voir que les propriétaires du Ferrari veulent tisser des liens avec un membre connu d'un gang de rue alors qu'il y a une présence policière.»

Des stupéfiants sont entreposés en quantités importantes au Ferrari, si bien que l'accès à cet établissement est limité, a dit M. Gauthier. Les drogues sont plutôt vendues au D Lounge.

Le témoignage du policier a permis d'en apprendre un peu plus sur le groupe émergent des 44 Unit. Il s'agit de très jeunes gens qui vendent de la drogue pour les Padula, a dit M. Gauthier. Ils se caractérisent par la couleur verte, même s'ils sont affiliés aux Bo-Gars, principal gang «rouge» de Montréal. Ils ont dessiné des graffitis verts tout le long du trajet de l'autobus 44, d'où ils tirent leur nom.

Les audiences se poursuivent aujourd'hui.