Dans certaines communautés isolées du Nord-du-Québec, la surpopulation canine atteint un niveau préoccupant. Des centaines de chiens errants meurent de froid, de faim, ou encore ils sont euthanasiés. Une femme de la région de Montréal en a eu assez : elle sauve ces chiens par dizaines.

Un soir d'hiver, des employés de l'aéroport Trudeau sortent cinq cages d'un avion d'Air Inuit. À l'intérieur, des chiots couinent. Nés dans le nord du Québec, ils n'ont connu jusqu'ici qu'une vie d'errance, de malnutrition et de violence.

Ils s'apprêtent à connaître quelque chose de nouveau: une famille.

Cathy Samson et André Roy présentent les animaux à leurs propriétaires, qui attendent dans une petite pièce. Les chiots sortent timidement, et chacun est accueilli par des «aaaaah» attendris.

Le couple est à la tête de Chiots nordiques, une initiative privée pour trouver des familles à ces laissés pour compte du Nord.

Cathy, une ergothérapeute qui travaille à l'occasion à Kawawachikamach, près de Shefferville, compte sur un réseau de bénévoles. Ses contacts dans le Nord repèrent les chiots abandonnés, et s'assurent de leur transport jusqu'à Montréal. Dans la métropole, d'autres collaborateurs de Chiots nordiques se chargent de les confier à des familles dignes de confiance.

«Je ressentais beaucoup d'impuissance à voir des chiens qui avaient de multiples problématiques: ils avaient faim, froid, ils étaient laissés à eux-mêmes, souvent malades... je ne pouvais pas rester comme ça», raconte Cathy.

Elle a d'abord ramené un chien pour elle, puis son initiative a pris de l'ampleur. En quelques mois seulement, avec l'aide d'une poignée d'amis, elle a contribué à sauver une cinquantaine de chiens.

Les sauver de quoi, exactement? «Les bébés meurent souvent. Ils vivent cachés sous les balcons des maisons. Et puis, une fois par année au moins, les municipalités avisent la population de garder les chiens domestiques à l'intérieur. Ceux qui restent à l'extérieur, qui n'appartiennent à personne, sont tués», raconte-t-elle.

Le problème de surpopulation

«La semaine dernière, il y avait une meute d'une dizaine de chiens qui se promenait dans la ville. Les policiers ont été obligés de les ramasser, malheureusement», raconte Diane Fortier, citoyenne de Shefferville.

Elle explique qu'une fois par année, les autorités «font le ménage», et partent avec des dizaines de chiens errants. «On ne les revoit plus», dit-elle.

Les municipalités du Nord québécois sont parfois contraintes d'euthanasier les chiens errants. Sans vétérinaire pour pratiquer des injections létales, c'est l'arme à feu qui devient alors l'ultime solution.

«On ne peut pas blâmer les communautés, tempère Alanna Devine, porte-parole de la SPCA, à Montréal. Il y a un problème de surpopulation. Oui, une euthanasie par injection, par un vétérinaire, serait une meilleure solution, mais la vraie solution, c'est la stérilisation des chiens en région isolée. Une stérilisation massive pour qu'ils ne se reproduisent plus. Et pour y arriver, il faudrait organiser une campagne avec plusieurs vétérinaires.»

Pas de vétérinaire

Or, il n'y a pas de vétérinaire dans le Nord-du-Québec. «Pour faire stériliser mes deux chiennes, je les ai amenées à Sept-Îles. C'est un voyage de 12 heures en train... aller seulement», raconte Diane Fortier.

«Il y a certainement de la place pour un investissement dans ces régions, pour qu'un ou des vétérinaires s'y installent de façon permanente, croit Cécile Aenishaenslin, vétérinaire fondatrice du Groupe international vétérinaire, et responsable d'un projet au Nunavik. Le problème n'est pas le même dans toutes les communautés, et il faut considérer les questions culturelles, mais oui, il y a des endroits où ça va moins bien.»

Sans stérilisation, et n'appartenant à personne, des dizaines de chiens errants gravitent autour de certaines communautés isolées, et continuent de se reproduire.

«Mon projet est à très petite échelle, mais au moins, on offre de meilleures conditions de vie à quelques chiens en les amenant dans le Sud», croit Cathy Samson.

Chiots nordiques a permis à une cinquantaine de chiens de trouver un foyer, jusqu'à maintenant. D'autres groupes aussi, comme les Centres d'animaux de compagnie du Québec, contribuent à trouver un foyer aux chiens errants.

Des chiens métissés, énergiques, qui ont survécu grâce à un tempérament obstiné. «Ce sont des chiens de tête, constate André Latendresse, propriétaire de deux chiots nordiques. Mais je n'ai jamais eu de chiens aussi intelligents.»