Les proches de la mère qui aurait tenté de noyer ses deux enfants dans la rivière des Prairies, vendredi, ne peuvent s'expliquer les raisons qui ont incité la jeune femme à faire un geste aussi désespéré.

C'est ce qu'a confié, hier, une cousine par alliance du couple, l'une des seules ayant accepté de commenter le drame. «Même nous, on ne sait pas la raison pour laquelle elle aurait fait ça, a dit cette cousine, qui est mariée au cousin du père des enfants. On est comme vous. C'était sûrement la détresse après l'accouchement...»

Lors d'un bref entretien téléphonique, la jeune femme a confié que l'état de santé de la mère et de ses enfants était peu encourageant. «Ils ne sont pas morts, mais ils ne sont pas dans un bon état», a-t-elle soufflé.

Le père des enfants était au chevet de ses fils, hier, à l'hôpital Sainte-Justine. Le plus jeune, âgé de 2 mois, est sorti des soins intensifs pendant la journée, a indiqué la conseillère en relations médias de l'établissement, Mélanie Dallaire. Son grand frère de 5 ans s'en sort moins bien: il était toujours dans un état critique hier soir.

Quant à la mère, âgée de 28 ans, elle serait toujours à l'étage des soins intensifs de l'hôpital Jean-Talon, selon Mustafa B., un ami de la famille qui lui a rendu visite, dimanche soir. «La mère et le premier enfant, c'est pas bien, pas bien», a-t-il dit.

Si elle survit, la mère pourrait faire face à des accusations. La police de Montréal la soupçonne d'avoir essayé de noyer son fils aîné avant de tenter de se suicider en se jetant elle-même à l'eau avec son poupon dans les bras.

Le drame s'est produit en fin d'après-midi vendredi à la hauteur de l'île de la Visitation, à environ quatre kilomètres de la résidence familiale, dans l'arrondissement de Montréal-Nord. Un bon Samaritain s'est jeté à l'eau pour les ramener sur la terre ferme.

Joint par La Presse en matinée, le grand-père paternel des enfants n'a pas souhaité aborder le drame. La famille, d'origine turque, souhaite vivre le drame en paix, a indiqué une autre cousine.

Des femmes vulnérables

Les femmes qui font un tel geste sont bien souvent vulnérables, selon le psychiatre Louis Bérard, directeur des services professionnels à l'Institut Philippe-Pinel. «Ça ne tombe pas comme la foudre au milieu d'un champ», illustre-t-il.

Bien que chaque cas soit différent, quelques caractéristiques émergent, selon le Dr Bérard. Les femmes peuvent notamment souffrir d'isolement, de détresse dans leur couple ou de problèmes financiers.

Louis Bérard note qu'elles ont souvent vécu une enfance difficile. «Lorsqu'elles deviennent mères, elles revisitent leur propre histoire, souvent malheureuse, explique-t-il. La mise au monde se traduit alors par une souffrance psychologique.»

Dans certains cas, les femmes qui tuent leur poupon souffrent d'une psychose post-partum, un état très grave qui touche environ 1 à 4 femmes sur 10 000.

«C'est un délire à propos de l'origine de l'enfant, explique le Dr Bérard. Les femmes peuvent entendre des voix ou penser que leur enfant est le démon.» Heureusement, souligne-t-il, les services sociaux sont là pour dépister et traiter ce problème.

Les femmes qui tentent de tuer leurs enfants sont souvent dépressives, note aussi Maurice Cusson, professeur émérite à l'École de criminologie de l'Université de Montréal. «Dans le cas de figure classique, la femme désire mourir et elle considère que ses enfants ne pourront vivre heureux sans elle», explique-t-il. Certaines d'entre elles sont victimes de mauvais traitements à la maison, ajoute-t-il.

Contrairement à la femme, l'homme qui commet un infanticide agit souvent dans une dynamique d'«homicide conjugal élargi», selon Maurice Cusson. «Au lieu de tuer la femme, il tue les enfants pour la faire souffrir», explique-t-il.

En 2006, 18 enfants ont été tués par leur père au Canada et 13 par leur mère.