Après avoir trouvé les enfants poignardés dans leur lit, vers 11h20 le matin du 21 février 2009, le policier Patrick Bigras s'est avancé dans la chambre principale, où il a découvert Guy Turcotte, caché sous son lit, torse nu, les yeux semi-ouverts, du vomi et de l'écume autour de la bouche. «Tu es un imbécile», s'est exclamé le policier!



«Je le sais», a répondu Turcotte.

C'est ce que le policier Bigras a raconté, mardi, alors qu'il témoignait au procès du Dr Turcotte, accusé des meurtres prémédités de ses deux enfants. M. Bigras, qui était policier à la Régie de police de la Rive-Nord au moment des événements, a expliqué qu'il se trouvait dans une voiture de police lorsqu'il a reçu un appel pour «propos suicidaires», à 11h06 ce fameux matin. Il s'est rendu à la résidence en question à Piedmont. À l'extérieur de la maison, il a parlé avec les parents de Guy Turcotte, qui lui ont résumé la situation. Il a fait le tour de la maison, tout était verrouillé. Il a brisé le loquet d'une fenêtre pour entrer. En entrant, il a crié: «Police, police!» À ce moment, il a entendu du bruit à l'étage, juste au-dessus de lui. «J'ai entendu beding, bedang!», a-t-il dit, mardi, avant d'ajouter qu'il était ensuite allé ouvrir la porte à son collègue, Marc-Antoine Bigué, qui venait d'arriver. M. Bigras a demandé aux parents le nom de leur fils et s'il possédait des armes. Il n'en possédait pas. Les deux policiers ont dégainé les leurs, et sont montés à l'étage, tout en continuant de répéter: «Police, police!»

Prudence

«Guy, on est là pour t'aider. C'est la police, tes parents sont inquiets», a pour sa part crié M. Bigué. Ne sachant à quoi s'attendre, les policiers progressaient tranquillement, prudemment.

En arrivant en haut de l'escalier, M. Bigras a vu du sang sur le cadrage d'une porte de la salle de bain. Il a jeté un oeil dans une chambre. Il y avait un petit garçon couché sur un lit, torse nu, avec plusieurs blessures ouvertes à l'abdomen. «Les tripes sortaient. J'ai avisé mon partenaire», a témoigné M. Bigras.

«Bigras m'a dit: «C'est fondé»», a raconté pour sa part M. Bigué. Il a regardé lui aussi dans la chambre et a vu le petit garçon. Ils ont ensuite trouvé une petite fille dans une autre chambre, dans le même état. Les deux enfants avaient le teint pâle, la rigidité cadavérique, et il y avait du sang partout. M. Bigras est allé voir dans une salle de bains. Il y avait du sang dans la cuvette. Ils se sont rendus à la chambre principale. Il n'y avait personne, mais ça sentait le vomi, et il y avait de cette substance en différents endroits. Ils sont ressortis de la chambre. M. Bigras a repensé au bruit qu'il avait entendu en entrant. Il s'est dit que l'individu devait être couché dans le lit, et qu'il s'était «garroché» en bas, en les entendant. Ils sont retournés dans la chambre et ont regardé sous le lit. Il y avait un adulte étendu, torse nu, avec le pantalon baissé aux genoux. Les deux policiers ont déplacé le lit. L'homme avait le teint pâle, il semblait semiconscient. C'est à ce moment que l'agent Bigras a dit à Turcotte qu'il était un imbécile. M. Bigras a aussi demandé à Turcotte s'il y avait quelqu'un d'autre dans la maison.

«Non, laissez-moi tranquille, allez-vous-en», a répondu Turcotte.

M. Bigué se souvient d'avoir demandé à Turcotte ce qui lui avait pris, et ce qu'il avait pris. Turcotte a répondu: des Valium. Turcotte a aussi dit: «Va-t'en, je veux mourir.»

Selon M. Bigras, Turcotte était très lucide. Il l'a mis en état d'arrestation pour deux meurtres, et lui a donné ses droits. Les ambulanciers sont arrivés, ont constaté qu'il n'y avait rien à faire pour les petits, et ils se sont occupés de Turcotte.

Choc post-traumatique

En contre-interrogatoire, Me Guy Poupart a cuisiné l'agent Bigras sur le fait qu'il n'avait pas écrit les premières paroles qu'il avait dites à Turcotte («Tu es un imbécile») dans ses rapports ce jour-là. M. Bigras a reconnu ce fait et a dit qu'il avait l'intention d'en parler au procès. Il a reconnu que faire ce genre de commentaire lors d'une intervention n'est pas une attitude qu'on enseigne à l'école de police. Il a mis cela sur le compte du stress du moment. D'ailleurs, en raison du choc post-traumatique, il n'a pas travaillé pendant deux mois et demi, après cette affaire. Il avait 12 ans d'expérience dans la police, était intervenu lors d'une vingtaine de suicides, mais n'avait jamais rien vécu d'aussi traumatisant auparavant.

M. Bigué a lui aussi été très choqué par cet événement. Mardi, il a tenté de décrire comment il s'était senti pendant les quelques minutes où ils faisaient les horribles découvertes, dans la maison.

«C'était un événement extrêmement majeur. C'était l'adrénaline. C'est pas des choses qu'on est habitués de vivre. C'était comme une peur extrême, comme sauter en parachute. C'était comme un mauvais rêve qui se passait devant moi. C'était de l'incompréhension par rapport au geste...»

Le procès présidé par le juge Marc David se poursuit aujourd'hui au palais de justice de Saint-Jérôme.