Les policiers de l'escouade Marteau de la SQ ont frappé encore une fois à Boisbriand en arrêtant l'ex-maire Robert Poirier pour fraude, abus de confiance et complot. C'est le second maire de cette ville de la couronne nord à être arrêté en moins de trois mois dans le cadre d'une vaste enquête ciblant la corruption dans le cadre de l'octroi de contrats municipaux.

Robert Poirier a été interpellé à son domicile mardi matin. Il a été longuement interrogé au quartier général de la SQ rue Parthenais, à Montréal, puis relâché plus tard en journée avec la promesse de comparaître ultérieurement.

Le 3 février dernier, les policiers de la SQ avaient arrêté sept personnes, dont l'ancienne mairesse Sylvie St-Jean, l'ancien conseiller municipal Claude Brière, la vice-présidente du groupe de génie-conseil Roche, France Michaud, ainsi qu'un de leurs employés, Gaétan Morin, Rosaire Fontaine de la firme BPR-Triax, et les entrepreneurs Lino et Giuseppe Zambito, de la firme Infrabec.

Un système bien en place

Vingt-huit chefs d'accusation avaient été déposés contre eux, dont ceux de fraude, abus de confiance, corruption, complot et extorsion.

Cette opération avait été menée dans le cadre d'une vaste enquête portant le nom de code «Fiche». L'inspecteur Denis Morin avait expliqué alors que cette enquête tendait à «démontrer que, pendant plusieurs années, un système aurait été mis en place pour favoriser certaines firmes pour le partage des contrats municipaux très lucratifs. Ce système, avait-il ajouté, visait à fournir des avantages à certains conseillers ou élus municipaux de la ville de Boisbriand en échange de décisions favorables dans l'octroi de contrats».

Un des chefs d'accusation de fraude fait référence à des événements qui seraient survenus à Boisbriand entre 2003 et 2004, alors que Robert Poirier occupait le siège de maire. En entrevue à ruefrontenac, il avait exprimé sa surprise que son ancienne administration se retrouve dans la ligne de mire des policiers. Il avait qualifié cette affaire de «bizarre».

Les policiers avaient aussi souligné le rôle essentiel, mais souvent omis, des firmes de génie-conseil dans ce même système occulte de collusion et de corruption. Ceux-ci se situent en amont des entrepreneurs qui, eux, se retrouvent souvent en revanche sous les projecteurs de l'actualité.

Démission en 2005

Robert Poirier, du défunt parti Solidarité Boisbriand, avait démissionné dans la controverse en juillet 2005 de son siège à la suite d'allégations d'extorsion de la part de l'homme d'affaires Jean-Guy Mathers pour une histoire de changement de zonage. La carrière Mathers est située sur le territoire de la ville de Saint-Eustache, mais est tout près de la ville de Boisbriand.

Un litige judiciaire oppose d'ailleurs actuellement cette entreprise à l'administration municipale de Boisbriand. Joint au téléphone mardi, Robert Mathers a soutenu de nouveau à La Presse que l'ex-maire avait réclamé une somme substantielle à son père. Mais la famille Mathers n'avait pas porté plainte à la police.

Après son départ de la vie politique, Robert Poirier avait donné son appui à Sylvie St-Jean, qui lui avait succédé au poste de maire et qui est visée par l'enquête de la SQ. Mme St-Jean a été battue aux dernières élections par Marlène Cordato. C'est aussi M. Poirier qui avait convaincu en 2002 Marlène Cordato de se lancer en politique.

En 2006, Robert Poirier avait songé à se présenter sous l'étiquette du Parti québécois. Son nom avait refait surface lors des élections municipales de 2009 lorsque des rumeurs le pressentaient comme candidat à sa propre succession à Boisbriand.

Jusqu'en septembre 2010, l'ex-maire a animé une émission à la télévision communautaire régionale TVBL. Il a aussi travaillé au sein de la firme Infrabec, propriété de la famille Zambito. «Il était responsable du développement des affaires, mais n'avait aucun contact avec les municipalités», nous a indiqué mardi Lino Zambito. Ce dernier «croit» que l'arrestation de l'ancien maire est liée aux arrestations de février dernier. Sa firme ainsi que Roche ont obtenu le contrat de construction de l'usine d'épuration des eaux de Boisbriand, dont les coûts de construction se sont emballés.

C'est ce contrat qui intéresserait justement les policiers de la SQ dans le cadre du projet Fiche. La firme Infrabec s'était retrouvée seule en lice après que ses concurrents se furent tous désistés.