Séparé de sa femme, Isabelle Gaston, depuis moins d'un mois, Guy Turcotte pleurait dans le salon de son nouveau domicile, à Piedmont, dans la soirée du 20 février 2009. Son fils Olivier, 5 ans, lui a fait une caresse en lui disant: «Moi je t'aime, papa.» La petite Anne-Sophie, 3 ans, a fait la même chose. «J'aurais dû aller me coucher avec eux.»

Guy Turcotte a fait ces confidences à son beau-frère et à l'ancienne gardienne de ses enfants, en avril 2009, deux mois après avoir tué ses enfants. Il les a appelés de sa prison à frais virés pour s'excuser de la peine qu'il leur a causée. C'est, en résumé, ce que Patrick Alexandre Gaston, frère d'Isabelle Gaston, et Carole Lachance, gardienne des deux enfants, ont raconté hier au procès de M. Turcotte. Ce médecin de 39 ans est accusé du meurtre prémédité de ses deux enfants, survenu le 20 ou le 21 février 2009 dans la maison qu'il louait depuis peu à Piedmont.

Mme Lachance se souvient que M. Turcotte a appelé un dimanche soir, en avril 2009. Il savait qu'elle était très attachée aux petits et voulait s'excuser. Mme Lachance lui a dit qu'elle aurait voulu être là, l'après-midi du vendredi 20 février 2009, quand il était venu chercher la petite Anne-Sophie à la garderie. Peut-être que «l'événement suivant» ne serait pas arrivé, a-t-elle fait valoir.

«Tu n'aurais pas pu deviner, tu n'aurais pu rien faire, tu n'aurais pas pu savoir», a rétorqué M. Turcotte. Il a expliqué que, le soir fatidique, il avait prévu une soirée de films avec les enfants, avec du pop-corn. Il avait réservé une gardienne pour le lendemain (samedi) et devait faire réparer son auto. Il a raconté l'épisode des pleurs et des caresses, cité plus haut. Et puis, il a ajouté: «Ça fait 10 ans que je suis malheureux. Tu connais les crises d'Isabelle. J'avais un scénario semblable il y a deux ans.» (Mme Lachance est allée une fois en voyage avec le couple et les enfants. Isabelle s'était emportée parce qu'on avait perdu ses bagages. C'est la seule «crise» que Mme Lachance ait vue.) Il a aussi dit qu'il pensait être le «moins fou des fous» qui se trouvaient en prison.

»Donne-lui tout»

M. Gaston, frère d'Isabelle, a lui aussi raconté que M. Turcotte l'avait appelé en avril. Il lui a demandé pardon. Il a dit qu'il était bien traité en prison.

«Qu'est-ce que tu as fait?» a demandé M. Gaston.

M. Turcotte a répondu qu'il ne savait pas. Il a raconté l'épisode des pleurs et les caresses et dit qu'il aurait dû aller se coucher. «Je pensais que j'avais mal, avant, mais là, j'ai vraiment mal. Tu sais, les enfants étaient les seules personnes qui m'aimaient», a ajouté M. Turcotte.

À un certain moment, M. Gaston a dit à M. Turcotte: «Tu as mis Isabelle dans la marde. Tu devrais tout lui donner et plaider coupable.» Ce à quoi M. Turcotte aurait répondu: «Non, j'ai quatre avocats qui travaillent pour moi. Même avec 50%, elle serait dans la rue. Isabelle dépense tout le temps, elle a acheté huit billets d'avion...»

Selon M. Gaston, qui a rendu un témoignage très émotif, d'une voix brisée par les sanglots, M. Turcotte est devenu «méchant» à ce moment-là dans ses réparties.

Martin Huot

Un peu plus tôt, hier, Martin Huot, entraîneur privé qui entretenait une liaison secrète avec Mme Gaston à l'époque, a témoigné. M. Huot a connu Mme Gaston en novembre 2007, quand celle-ci a commencé à s'entraîner au gymnase où il travaillait. La conjointe de M. Huot, Patricia Giroux, entraîneuse elle aussi, y travaillait également. M. Turcotte a fini par aller s'entraîner au même gymnase. Les deux couples sont devenus amis et ont commencé à se fréquenter à partir de février 2008.

Isabelle Gaston et Martin Huot sont tombés amoureux l'un de l'autre. M. Huot a assuré qu'il avait tenté de repousser cet amour, pour ne pas être celui qui briserait le ménage. Mais l'amour a été plus fort. Au mois d'octobre 2008, ils ont entrepris une liaison secrète.

Mme Giroux a découvert le pot aux roses à la mi-janvier 2009, en trouvant des courriels passionnés que s'échangeaient son conjoint et Mme Gaston. Elle en a informé M. Turcotte. Les deux couples se sont séparés en janvier. M. Turcotte a loué une maison à Piedmont le 26 janvier et s'y est installé. Dès le lendemain, Martin Huot a commencé à aller coucher régulièrement au domicile de Mme Gaston. Guy Turcotte, qui allait parfois y chercher des choses, n'aimait pas cela. Le 10 février au matin, vers 6h45, M. Turcotte est entré à l'improviste dans son ancienne maison. Il a trouvé M. Huot dans la cuisine. «Tu as volé ma femme, tu as volé mes enfants. Tu disais que tu étais mon ami», s'est écrié M. Turcotte avant de donner un coup de poing au visage de M. Huot. Ce dernier affirme avoir esquivé d'autres coups, sans riposter.

Rappelons que, le soir fatidique du 20 février 2009, M. Turcotte a lu les courriels que M. Huot et Mme Gaston s'étaient échangés. Il a ensuite poignardé ses enfants et bu du lave-glace dans le but de se suicider.

Le procès se poursuit aujourd'hui, à Saint-Jérôme.