Le plus haut tribunal de la province vient de donner un sérieux avertissement aux joueurs de hockey évoluant dans une ligue où les contacts sont interdits. Un joueur qui en frappe un autre, même si c'est dans le feu de l'action, risque d'être poursuivi au criminel.

En effet, trois juges de la Cour d'appel du Québec ont récemment rejeté l'appel d'un jeune gardien de but reconnu coupable de voies de fait simples commis à l'endroit d'un joueur adverse au cours d'une partie au sein d'une ligue «sans contact».

Cette décision de la Cour d'appel est d'ailleurs applaudie par Hockey Québec, l'organisme qui régit le hockey mineur dans la province.

En janvier 2009, deux équipes de catégorie Midget A (16-17 ans) s'affrontent en finale d'un tournoi. Vers la fin du match, l'équipe de la victime mène 6 à 2, lorsqu'une mêlée éclate au centre de la patinoire.

Le jeu se poursuit. La victime, un ado de 16 ans, se tient en retrait à sa ligne bleue. Le jeune joueur voit la rondelle sortir de la mêlée. Il se dirige rapidement vers celle-ci pour en prendre possession. Il croit pouvoir s'échapper avec la rondelle, seul contre le gardien de but adverse.

Or, le gardien de but adverse patine vers lui pour arriver à la rondelle le premier. Il ne ralentira jamais et entrera violemment en collision avec la victime, qui tombera sur la glace.

Aux yeux de l'arbitre en chef du match, aussi policier à la Sûreté du Québec, il s'agit clairement d'un «assaut», selon son témoignage rendu au procès de première instance et repris dans la décision de la Cour d'appel. Il a vu le gardien foncer sur la victime, «avec ses poings à la hauteur des épaules». L'arbitre décernera d'ailleurs au jeune gardien une punition pour «obstruction» pour le geste posé.

Quant à la victime, elle aura la clavicule fracturée. L'identité des deux jeunes est frappée d'un interdit de publication.

L'accusé a témoigné pour sa part qu'il voulait seulement dégager la rondelle de sa zone lorsque l'impact est survenu. Contre-interrogé par la Couronne, l'adolescent admettra toutefois avoir eu l'intention de bloquer le passage au joueur.

Cet élément est au coeur de la décision de la Cour d'appel. Le juge de première instance s'est «appuyé sur les propos tenus par l'appelant lui-même lors de son contre-interrogatoire pour conclure que l'impact n'était pas accidentel et que l'appelant avait l'intention requise pour commettre une voie de fait», écrivent les juges Lorne Giroux, Jean Bouchard et Jacques Viens dans leur brève décision rendue le 6 avril dernier.

La Cour d'appel confirme ainsi la décision du juge de la Cour du Québec François Boisjoli rendue le 2 juin 2010 en Chambre de la jeunesse de Baie-Comeau.

«Certaines décisions en matière de violence au hockey sont à l'effet qu'un joueur qui participe à une partie de hockey consent implicitement aux contacts physiques qui sont inhérents à ce jeu, souligne le magistrat. Cependant, dans le présent dossier, le Tribunal ne peut conclure que la victime a implicitement consenti à se faire mettre en échec lors de la partie puisque les contacts sont interdits.»

Hockey Québec applaudit

Interrogé par La Presse, le directeur général de Hockey Québec, Sylvain B. Lalonde, déplore qu'il y ait encore des gens qui se croient tout permis sur une patinoire.

«Que ce soit dans une ligue sans contact ou dans une ligue où les contacts sont permis, c'est avant tout une question de comportement. Les joueurs doivent toujours être en contrôle, insiste M. Lalonde. On encourage les gens à porter plainte au criminel lorsqu'ils sont témoins ou victimes d'assaut sur la glace.»

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales abonde dans son sens. «Cette décision fait bien ressortir le fait que le Code criminel s'applique même dans un contexte sportif et peut conduire à des accusations, puis à une condamnation, dans la mesure où les règles du jeu sont enfreintes, et ce, bien que les participants à une activité sportive acceptent implicitement un certain degré de violence», a indiqué sa porte-parole, Me Annie-Claude Bergeron.

Cette décision pourrait avoir un impact sur les sportifs qui pratiquent d'autres disciplines, croit pour sa part l'avocat criminaliste Frederick Carle. «La Cour d'appel envoie un message très clair aux sportifs à l'effet que les voies de fait commis dans le feu de l'action ne sont pas tolérées», explique le criminaliste.