Les portières d'automobile ouvertes de manière imprudente représentent l'une des principales causes de blessures chez les cyclistes, estime Vélo Québec, qui demande que des mesures soient prises pour sensibiliser les conducteurs.

Dimanche dernier, un cycliste a été grièvement blessé sur l'avenue Van Horne lorsqu'il est entré en collision avec une portière ouverte intempestivement. L'homme de 56 ans se trouve depuis dans un état critique à l'hôpital.

Selon l'organisme, les accidents de ce type sont un véritable fléau à Montréal. «Les automobilistes ne semblent pas comprendre à quel point ça peut être dangereux, a expliqué à La Presse la directrice de Vélo Québec, Suzanne Lareau. Quand on fait du vélo, on le sait. Les portières, c'est la hantise des cyclistes.»

L'article 430 du Code de la sécurité routière interdit à tout automobiliste d'ouvrir une portière «sans s'être assuré qu'il peut effectuer cette manoeuvre sans danger». Contrevenir à cette disposition peut entraîner une amende de 30 à 60$. Une somme «ridicule», selon Mme Lareau.

«Les amendes sont tellement ridicules que ça n'a pas grand effet dissuasif. Dans le cas des autobus scolaires, par exemple, c'est quand on a doublé les amendes que les gens se sont mis à respecter le Code de la route.»

Mais même si les amendes étaient plus sévères, il reste du ressort des policiers de donner une contravention ou non. Dimanche dernier, par exemple, l'automobiliste n'en a d'abord pas reçu. Une porte-parole du SPVM a alors expliqué qu'il s'agissait «d'un bête accident».

Hier, après plusieurs appels de La Presse, le SPVM a assuré qu'une contravention sera remise dans les prochains jours au conducteur qui a ouvert la portière. L'amende sera de 30$.

«C'est enrageant, lance Mme Lareau. Il y a des limites à l'impunité.»

Une initiative massive

Selon Robert Mionske, avocat américain spécialisé dans le droit des cyclistes, il est rarissime en Amérique du Nord que des contraventions soient remises à des automobilistes qui ont ouvert une portière de manière imprudente. «Ça n'envoie pas un message très fort aux automobilistes», explique-t-il.

M. Mionske, qui a représenté les États-Unis en cyclisme aux Jeux de Séoul et de Barcelone, cite un cas «incroyable» survenu au Wisconsin en 2008. Linda Willsey roulait à Madison quand elle a vu une portière s'ouvrir juste devant elle. Une fraction de seconde plus tard, elle était étendue sur le dos, une vertèbre fracturée. Elle a été transportée aux urgences, où un policier lui a rendu visite: il lui a remis une contravention de 10$ pour avoir roulé trop près de la voiture. L'automobiliste n'a pas été pénalisé.

«Il doit y avoir une forme de punition pour les conducteurs, estime M. Mionske, qui est lui-même entré en collision avec une portière l'été dernier. Des cyclistes sont tués ou gravement blessés chaque année alors qu'ils roulaient prudemment, juste parce qu'un automobiliste a ouvert sa portière sans faire attention.»

Jean-Marie De Koninck, président de la Table québécoise de la sécurité routière, estime quant à lui que les automobilistes québécois ont surtout besoin d'être éduqués. La répression et des amendes plus élevées ne sont pas la voie à privilégier, selon lui. «Ça prendrait une initiative massive et originale pour les sensibiliser. Plusieurs automobilistes ouvrent leur portière sans se poser une seule question.»

Mais le problème va bien au-delà des portières. Selon lui, plusieurs automobilistes québécois ne reconnaissent tout simplement pas le droit des cyclistes d'être sur la route. «Ils sont convaincus qu'ils ont la priorité, dit-il. C'est assez incroyable.»

Il est impossible de savoir combien de cyclistes se heurtent ainsi à des portières chaque année à Montréal. La Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) n'a pas de statistiques sur la question. Le SPVM n'a pas été en mesure, hier, de préciser le nombre de contraventions qui sont remises annuellement à des automobilistes qui ont contrevenu à l'article 430.

Mais, selon Vélo Québec, il suffit de monter sur un vélo pour constater qu'il s'agit d'un incident beaucoup trop courant. «Plusieurs cyclistes que je connais ont été victimes de blessures graves après avoir été heurtés par une portière, relate Mme Lareau. C'est un accident qui souvent ne pardonne pas et qui laisse des séquelles à vie.»