Dans un jugement divisé à six juges contre trois, la Cour suprême du Canada a déclaré un homme coupable d'agression sexuelle, vendredi matin, pour avoir inséré un godemiché dans l'anus de sa conjointe alors qu'elle était inconsciente.

Pourtant, la victime avait consenti à ce que son conjoint de l'époque l'étrangle jusqu'à ce qu'elle perde conscience - une pratique sexuelle à laquelle les parents d'un enfant de la région d'Ottawa s'étaient déjà livrés auparavant.

De plus, son témoignage était contradictoire quant à savoir si elle avait donné son consentement à ce qu'il la pénètre dans l'anus avec un jouet sexuel - une pratique à laquelle ils s'étaient également livrés dans le passé.

Mais la question en litige était de déterminer si une personne peut se livrer à des actes sexuels sur une personne inconsciente qui a consenti à ses actes avant de perdre conscience.

Les juges de la majorité, sous la plume de la juge en chef Beverley McLachlin, ont décidé que non : la loi requiert un consentement conscient de tous les instants, pour éviter les abus et donner la possibilité à chacun de demander à l'autre de cesser à tout moment.

Les juges Louis Lebel, Ian Binnie et Morris Fish ont jugé pour leur part que l'inconscience passagère ne venait pas changer la nature du consentement et que rien dans la preuve ne démontrait que l'accusé ne l'avait transgressé.

«Si la Cour adopte la thèse du ministère public, il lui faudra également conclure qu'au Canada les partenaires qui cohabitent, y compris les époux, commettent une agression sexuelle lorsque l'un d'eux embrasse ou caresse l'autre pendant qu'il dort, même si ce dernier y a consenti expressément plus tôt», a mis en garde le juge Morris Fish.

«L'absurdité même d'une telle conséquence démontre clairement qu'elle est le fruit d'une extension involontaire et inacceptable des dispositions du Code criminel, sur laquelle reposerait l'appel du ministère public», a-t-il ajouté.

En 2007

Les faits remontent à mai 2007. J.A. et sa conjointe (une ordonnance de non-publication empêche de divulguer le nom des parties) regardaient un film à la maison lorsqu'ils ont commencé à avoir une relation sexuelle. Comme c'était leur habitude, l'homme a commencé à étouffer sa partenaire en lui serrant la gorge, afin de lui faire perdre brièvement conscience.

Lorsqu'elle s'est éveillée, possiblement après quelques minutes, cette dernière avait les mains attachées derrière le dos et son conjoint lui insérait un godemiché dans l'anus. Il a continué à le faire pendant quelques secondes. Les deux ont ensuite poursuivi leurs ébats avec une relation vaginale.

Ce n'est qu'un mois plus tard, après une dispute au cours de laquelle l'accusé a menacé sa conjointe de lui retirer la garde de leur enfant, que la plaignante s'est rendu au poste de police pour porter plainte contre les gestes posés un mois plus tôt.

Un juge de première instance a déclaré l'homme coupable d'agression sexuelle et l'a condamné à 18 mois de prison. En Cour d'appel, deux juges sur trois ont annulé cette condamnation. La Cour suprême l'a rétablie ce matin.

«La définition du consentement en matière d'agression sexuelle exige que le plaignant donne un consentement réel et actif à chaque étape de l'activité sexuelle, ce qu'une personne inconsciente est incapable de faire, même si elle exprime à l'avance son consentement», a écrit la juge McLachlin.  Toute activité sexuelle avec une personne qui est incapable d'évaluer consciemment si elle y consent n'est donc pas consensuelle au sens où il faut l'entendre pour l'application du Code criminel.»

«C'est au législateur qu'il appartient de modifier les règles du consentement en matière d'agression sexuelle s'il le juge nécessaire», a tenu à préciser la juge en chef.