Quelque 500 policiers de la Sûreté du Québec (SQ) et de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ont mené mardi une frappe d'envergure visant à démanteler une organisation criminelle impliquée dans le trafic de stupéfiants.

L'opération policière s'est déroulée principalement dans le territoire mohawk de Kanesatake, où la tête dirigeante du réseau, Tyron Canatoquin, a été épinglée par les policiers.

En fin de journée, 38 arrestations avaient été effectuées et 17 individus étaient toujours en cavale. La majorité des prévenus devraient répondre à des accusations de possession de stupéfiants en vue d'en faire le trafic, de trafic de stupéfiants ou de complot. Des perquisitions ont été menées à une cinquantaine d'endroits à Kanesatake, Akwesasne, Oka, Laval, Montréal et dans la couronne nord.

L'opération baptisée Connectivity a été menée par l'Unité mixte d'enquête contre le crime organisé autochtone. Elle était dirigée par la GRC, mais impliquait des effectifs de la SQ, le Akwesasne Police Service et les policiers des Premières Nations.

Fait rare, les policiers ont frappé à 10h du matin. Généralement dans de tels déploiements, les policiers interviennent à l'aube dans le but de surprendre les suspects alors qu'ils dorment.

Lino Maurizo, inspecteur à la SQ à la tête du dossier, a expliqué que les policiers avaient adapté leur intervention en raison des tensions historiques qui existent entre les forces de l'ordre et certains membres de la communauté mohawk. Il a admis qu'en conséquence, le nombre d'effectifs déployés avait été plus élevé.

«Le service de renseignement et les opérations passées ont montré que le risque était accru dans la communauté», a-t-il affirmé en marge d'un point de presse à Kanesatake à la fin de l'opération. «Vous remarquerez également qu'il n'y a pas eu d'entrée dynamique. L'heure de tombée était à 10h, car on voulait s'assurer que tous les enfants avaient quitté les lieux et qu'ils ne seraient pas à l'intérieur des maisons.»

Selon les explications de la GRC et de la SQ, le réseau dirigé par M. Canatoquin achetait principalement de la marijuana par l'entremise de «cellules» indépendantes situées dans Lanaudière, dans la couronne nord, dans la grande région de Montréal et à Laval. Il s'approvisionnait également en cachets et en cocaïne. La drogue transitait par Kanesatake, où travaillaient Canatoquin et ses lieutenants, pour se rendre à Akwesasne. Ce territoire mohawk, situé sur la triple frontière Québec-Ontario-États-Unis, est reconnu comme une plaque tournante pour le trafic de stupéfiants.

Depuis l'opération antidrogue CERRO, menée en mai 2009, moins de drogue est produite sur le territoire de Kanesatake. Cette descente s'était soldée par la saisie de 1200 plants de marijuana et le démantèlement de 8 serres hydroponiques. C'est pourquoi Canatoquin devait se tourner vers des «cellules» à l'extérieur du territoire.

Une source policière a indiqué que la majorité de la drogue était destinée à la revente aux États-Unis. Au moment d'écrire ces lignes, les autorités n'étaient pas en mesure d'indiquer quelle quantité de drogue avait été saisie. Des armes à feu, de l'argent et une serre hydroponique ont aussi été confisqués.

Tension palpable

La tension était palpable mardi matin à Kanesatake, où des perquisitions ont été menées à cinq endroits. Quatre arrestations ont été faites sur le territoire. Des proches de suspects visés ne semblaient pas apprécier la présence des médias, se montrant agressifs à leur endroit. La représentante de La Presse s'est d'ailleurs fait tirer les cheveux et projeter au sol par une femme identifiée comme la soeur de Tyron Canatoquin par les policiers sur le terrain.

«Lorsque je vais chez vous, est-ce que je prends des photos de vous?», a-t-elle hurlé après avoir été écartée par les policiers. «Go away, b****!»

«Get the f*** away from here!», a ajouté un homme à l'endroit des caméramans, photographes et journalistes qui ont rapidement quitté la scène à la suggestion des policiers qui craignaient que la situation dégénère.

Selon le surintendant de la GRC, Michel Arcand, l'opération de mardi a cependant été bien accueillie par les habitants de Kanesatake. «Aujourd'hui, les résidants de Kanesatake envoient le message clair que le crime organisé, la violence et l'intimidation ne seront pas tolérés dans leur communauté.»

Le Conseil des Mohawks de Kanesatake a d'ailleurs publié un communiqué, mardi soir, pour affirmer qu'il soutenait l'intervention policière.

«La communauté souffre depuis plusieurs années des effets collatéraux dus à la drogue. Si les actions menées aujourd'hui par la police font en sorte que notre population, dont nos jeunes, ait moins accès à la drogue, nous ne nous en porterons que mieux», a déclaré le grand chef Paul Nicholas.

«La population de Kanesatake, dont la majorité n'est pas concernée par ces mandats, craint cependant que la présence d'un tel nombre de policiers, accompagnés de journalistes, ne contribue davantage à l'image négative que la population de Kanesatake veut améliorer», peut-on lire dans le communiqué.