Guy Turcotte, déclaré criminellement non responsable du meurtre de ses deux enfants, sera-t-il libéré sous peu ou restera-t-il plusieurs années dans un hôpital psychiatrique?

Cette question était sur bien des lèvres, hier, au lendemain du verdict rendu à l'égard de l'ex-cardiologue.

La réponse est bien difficile à prévoir, car Guy Turcotte est un cas à part, selon Gilles Chamberland, psychiatre à l'hôpital du Sacré-Coeur de Montréal. «Ce n'est pas un précédent, mais presque», souligne-t-il.

Contrairement à la majorité des gens jugés criminellement non responsables, Guy Turcotte ne souffre pas d'une maladie psychiatrique lourde (schizophrénie, délire, hallucinations, etc.). Dans sa défense, il a soutenu que son jugement était faussé par un trouble d'adaptation avec anxiété et humeur dépressive.

Le fait que sa dangerosité ne soit pas liée à une maladie peut être une arme à double tranchant, selon le Dr Chamberland. Les psychiatres devront cerner les éléments de sa personnalité et les circonstances qui l'ont poussé à commettre les meurtres. «Comme il n'a pas de maladie lourde, on ne sait pas exactement ce qui l'a rendu dangereux, explique le Dr Chamberland. Il faut être d'autant plus prudent pour évaluer toutes les situations possibles.»

La décision de le libérer revient à la Commission d'examen des troubles mentaux, un tribunal administratif. La Commission se base sur un seul critère: la sécurité du public. «S'il ne représente pas de danger, elle est obligée de le libérer», résume Gilles Chamberland.

Selon lui, il serait «très étonnant» que Guy Turcotte soit libéré dès sa première comparution devant la Commission, qui a de 45 à 90 jours pour se prononcer. Les patients doivent généralement passer par quatre étapes: la détention stricte, la détention avec modalités de sortie, la libération avec conditions et la libération sans condition.

«La seule différence, c'est que plus les patients vont bien, plus les étapes sont brèves», explique le Dr Chamberland. La Commission réévalue le dossier chaque année, ou plus souvent si l'équipe traitante en fait la demande.

À l'Institut Philippe-Pinel, les séjours de traitement durent en moyenne 410 jours. L'établissement ne divulgue aucune statistique sur les patients reconnus non responsables d'un meurtre.

Il semble toutefois y avoir des disparités entre les cas, selon une recherche dans les jugements de la Commission d'examen des troubles mentaux.

Par exemple, une femme qui a été reconnue non responsable du meurtre de sa fille de 3 ans en septembre 2003 a été libérée sous conditions en octobre 2004. La femme, qui était dans un état dépressif majeur au moment des faits, a obtenu sa libération totale en mai 2005.

Une autre mère qui a tué sa fille de 7 ans en 2000 a été détenue en institution jusqu'en mars 2003. En 2009, elle était toujours soumise à des conditions. La femme, qui souffre d'un trouble schizo-affectif, doit notamment suivre un traitement et habiter un endroit connu.