Après avoir heurté à mort une adolescente de 15 ans, Robert Bélanger s'est dépêché d'appeler une dépanneuse pour se débarrasser de sa voiture.

Le jeune homme de 23 ans a retiré la plaque d'immatriculation. Il a voulu recouvrir sa Buick d'un drap blanc, mais le chauffeur de la dépanneuse a refusé.

Il y avait encore une touffe de cheveux de Ronia Mansourian prise dans le rétroviseur et, sur l'aile avant gauche, des traces roses. Ce n'était pas du sang. C'était le vernis à ongles de la victime.

Bélanger est «excessivement dangereux», a dit le juge Gilles Garneau, hier, interrompant l'avocate de la défense lors des plaidoiries sur la peine, au palais de justice de Laval. «Depuis l'âge de 13 ans qu'il prend un véhicule automobile pour se sauver de ses problèmes», a lancé le magistrat.

En avril dernier, le jeune homme a plaidé coupable à des accusations de conduite dangereuse ayant causé la mort et de délit de fuite. Hier, la poursuite a recommandé cinq ans de prison, alors que la défense a suggéré deux ans, compte tenu du temps que l'accusé a déjà passé en détention.

Délinquant de la route

Le jour du drame, le 3 septembre dernier, Bélanger n'aurait jamais dû être au volant d'une voiture. Son permis était suspendu. Son dossier de conducteur, déjà bien garni, faisait état de quelque 24 «suspensions» pour des amendes impayées, en plus d'autres infractions qui lui ont valu de nombreux points d'inaptitude.

Quelques mois avant le drame, Bélanger avait été arrêté parce qu'il roulait à 125 km/h dans une zone de 70. Il était aussi sous le coup d'une probation d'un an pour possession de drogue.

Ce n'est pas tout. Huit jours avant l'accident mortel, l'accusé avait eu une rencontre avec son agente de probation, qui lui avait rappelé qu'il n'avait pas le droit de conduire. Elle a plus tard témoigné pour dire qu'il ne lui avait pas semblé «réceptif» à ses conseils.

Vers 13h, le 3 septembre, dans le quartier Chomedey, Ronia Mansourian traversait la rue avec trois copines lorsque la Buick de Bélanger l'a violemment projetée sur le pare-brise d'un autobus. La tragédie s'est déroulée à un jet de pierre de la polyvalente Saint-Maxime, où l'adolescente entamait sa quatrième secondaire.

Bélanger venait de faire un dépassement illégal et de brûler un feu rouge. La victime n'a eu aucune chance. Bélanger n'a jamais freiné. Il a fui les lieux du drame. Une quarantaine de personnes, dont plusieurs élèves, ont assisté à la scène, impuissantes.

La jeune fille a succombé à ses blessures à l'hôpital. Elle était à ce point défigurée que ses propres parents ne l'ont pas reconnue. Les médecins ont dû leur jurer que c'était bien elle.

Les médias ont eu tôt fait de diffuser la description du véhicule. Bélanger s'est finalement rendu à la police peu avant 2h du matin, et il est détenu depuis.

Haut risque de récidive

Le risque de récidive de Bélanger est «plus que probant», selon le criminologue chargé de l'évaluer. Dans son rapport, il dresse le portrait d'un jeune homme immature, inconséquent et qui n'a jamais respecté l'autorité.

Le juge Garneau a souligné, hier, qu'il songeait à imposer une peine plus sévère que la suggestion de la poursuite afin d'envoyer un message clair aux chauffards.

Le procureur de la Couronne, Me Jean-Pascal Boucher, a déclaré qu'il n'y voyait pas d'inconvénient. À ses yeux, la peine devrait être assortie d'une interdiction de conduire la plus longue possible.

Bélanger, qui est sans emploi, a abandonné l'école avant de terminer sa troisième secondaire. Or, il a repris les études en prison. Sa famille le soutient. «Est-ce un individu irrécupérable au sens où on en côtoie dans notre pratique? Je ne crois pas», a plaidé pour sa part l'avocate de Bélanger, Me Sandra Brouillette.

«Je ne peux pas croire que je suis ici. C'est l'enfer. Je m'excuse, monsieur le juge, pour ce que j'ai fait», a dit Bélanger, debout dans le box des accusés.

Cela n'a pas ému les nombreux camarades de classe et membres de la famille de la victime venus assister à l'audience. Une vingtaine d'entre eux portaient un t-shirt noir sur lequel on pouvait lire: «Ronia Mansourian, 1994-2010, gravée dans nos coeurs».

«On le voit comme un meurtrier, un lâche. Notre famille ne lui pardonnera jamais», a indiqué la tante de la victime, Anoush Mansourian. La femme de 34 ans a tenté, sans succès, de croiser le regard de l'accusé pour lui montrer «l'étendue de sa douleur», a-t-elle expliqué aux médias. Bélanger a gardé les yeux rivés au sol.

«Je ne me sens pas en sécurité sachant que des conducteurs comme lui roulent dans les rues», a ajouté la soeur de la victime, Goldie Mansourian, 21 ans, indignée par le fait que Bélanger puisse n'être condamné qu'à cinq ans de prison. Une personne reconnue coupable de conduite dangereuse ayant causé la mort est passible d'une peine maximale de 14 ans de prison.

Robert Bélanger retournera en cour le 2 août pour recevoir sa peine.

Les jeunes ne représentent que 10% des titulaires de permis, mais, en 2010, plus du quart des personnes mortes dans un accident de la route avaient de 15 à 24 ans, selon la SAAQ.

Émilie Lejour, 27 ans, a été condamnée ce mois-ci à deux ans de prison pour avoir heurté mortellement une adolescente de 14 ans et avoir blessé une autre personne alors qu'elle était en état d'ébriété, en août 2008, à Terrebonne. Elle avait alors 24 ans et était déjà en attente de procès pour une autre infraction relative à la conduite avec les facultés affaiblies, survenue quelques mois plus tôt.

En 2009, le récidiviste Roger Walsh a été condamné à la prison à vie, la peine la plus sévère jamais imposée au Canada à une personne coupable de conduite en état d'ébriété. C'était sa 18e condamnation pour ce motif. Le 23 octobre 2008, aux Cèdres, il a tué Anee Khudaverdian, 47 ans, une mère de famille handicapée qui promenait tout bonnement son chien. Le juge lui a interdit, pour le reste de ses jours, de conduire une automobile au Canada.

Raymond Lévesque a été condamné à 10 ans de prison, en 2009, pour avoir heurté à mort une jeune femme de 23 ans, Karine Méthot, en mai 2007, à Montréal-Est. Il avait déjà sept condamnations à son actif pour conduite avec les facultés affaiblies.