La lettre qui a entraîné le report de l'audience de Guy Turcotte devant la Commission d'examen des troubles mentaux, le 12 août dernier, a été envoyée par une personne que M. Turcotte connaît très bien: il s'agit de l'une de ses soeurs. Un peu plus jeune que M. Turcotte, elle est en froid avec sa famille depuis un certain temps.

La lettre contiendrait des allégations selon lesquelles Guy Turcotte s'est déjà montré menaçant envers ses enfants. L'auteure considérerait également que toute la vérité n'est pas sortie lors du procès.

La Presse a pu s'entretenir brièvement avec la jeune femme, hier. Elle a refusé de discuter du contenu de la lettre au motif qu'elle doit rencontrer les enquêteurs et qu'elle ne peut rien dire. Elle a assuré qu'elle n'a pas agi par vengeance ni pour faire du tort à son frère. «Je l'ai fait pour faire mon devoir de citoyenne», a-t-elle dit, avant d'ajouter que ce serait à la Commission d'examen d'évaluer la dangerosité de son frère.

Elle avoue cependant qu'elle ne s'attendait pas du tout à ce que la lettre ait un impact aussi explosif. Elle n'a jamais pensé non plus que cela retarderait la tenue de l'audience. Elle a laissé entendre qu'elle n'est pas à l'aise avec la situation.

La jeune femme n'est jamais venue au procès de son frère. Ses parents, Réal Turcotte et Marguerite Fournier, étaient toujours là, et les autres frères et soeurs de l'accusé (ils sont six enfants en tout) y ont assisté assez souvent.

Rappelons que M. Turcotte, cardiologue au moment des événements, était accusé du meurtre prémédité de ses enfants, Olivier, 5 ans, et Anne-Sophie, 3 ans. Le 21 février 2009, dans sa maison de Piedmont, il les a poignardés à plusieurs reprises et a avalé du lave-glace pour s'enlever la vie. Le drame est survenu trois semaines après sa séparation d'avec Isabelle Gaston, mère des petits et médecin elle aussi.

Au terme d'un procès très médiatisé, le 5 juillet dernier, le jury a décidé que Guy Turcotte était criminellement  non responsable de ces meurtres, en raison de troubles mentaux. Selon les psychiatres, au moment du drame, M. Turcotte souffrait d'un trouble de l'adaptation avec anxiété et humeur dépressive. Dans les jours qui ont suivi le verdict, M. Turcotte a été envoyé à l'Institut Philippe-Pinel, un établissement spécialisé en psychiatrie légale.

Étant donné ce verdict, il revient à la Commission d'examen des troubles mentaux de décider du sort de M. Turcotte. Trois options sont possibles: la libération sans condition, la libération avec condition et le maintien en institution, avec révision du dossier de manière ponctuelle.

Normalement, la Commission a 90 jours après le verdict pour rendre sa décision. Mais dans le cas de M. Turcotte, le processus a été perturbé en raison justement de la lettre, qui est arrivée au tribunal administratif dans les jours précédant l'audience. L'organisme, formé exceptionnellement de cinq personnes au lieu de trois, doit évaluer la dangerosité de M. Turcotte pour rendre sa décision.

Les avocats au dossier ont bien sûr refusé de le commenter. «Je ne pense pas que ce serait pertinent ou adéquat», a dit Me Pierre Poupart. Même son de cloche de la procureure de la Couronne Marie-Nathalie Tremblay. Le porte-parole du tribunal administratif dans le dossier Turcotte, Me Jean-Claude Hébert, a dit qu'il n'avait pas été mis au courant du contenu de la lettre.

Questionné sur le mécanisme déclenché par cette lettre, Me Hébert a expliqué que les avocats de Guy Turcotte et du ministère public avaient été mis au courant avant le début de l'audience, le 12 août dernier. Il y a eu des rencontres à huis clos. L'audience a été retardée de quelques heures. Quand elle a finalement commencé, le président de la Commission, Me Médard Saucier, a signalé que l'audience devait être reportée.

Le fait qu'on ait décrété une pause dans le processus ne signifie pas que les allégations de la lettre soient fondées. Les avocats des parties peuvent vérifier la teneur de la lettre et demander à rencontrer son auteure, a expliqué Me Hébert.

Les parties sont les avocats de Guy Turcotte, le procureur du ministère public et l'Institut Philippe-Pinel, qui a aussi un statut de partie devant la Commission. Quel effet aura cette lettre sur le sort de Guy Turcotte? Cela reste à déterminer. L'audience de M. Turcotte doit se tenir le 4 novembre, à l'Institut Philippe-Pinel.