La police de Montréal enquête sur une intervention musclée de ses agents, la semaine dernière, après l'apparition sur Internet d'au moins trois vidéos qui ont suscité l'indignation. Plusieurs se questionnent sur le comportement d'un policier qui a projeté une jeune femme contre un poteau alors qu'elle portait assistance à l'un de ses amis aspergé de poivre de cayenne.

Robert Bugeag venait de se garer avec son frère sur le boulevard Saint-Laurent quand il a noté un attroupement non loin, mercredi vers 23 h. Comme plusieurs personnes autour de lui, il a sorti d'instinct son téléphone portable pour filmer la scène quand il a constaté qu'il s'agissait d'une intervention policière particulièrement musclée.

Sa vidéo ne montre pas le début de l'altercation. Selon des personnes disant avoir assisté à la scène, un groupe d'une vingtaine de personnes sortait d'une projection de films quand la police a décidé de donner une amende à deux d'entre eux qui consommaient de la bière sur la voie publique.

Les images diffusées par Robert Bugeag montrent toutefois la tension monter rapidement entre les policiers et le groupe de jeunes. Pendant que des agents sont à menotter un homme sur le capot de leur voiture, d'autres demandent à ses amis de se disperser. Loin de s'éloigner, ceux-ci se mettent plutôt à les invectiver et à s'approcher.

Après avoir utilisé leur bâton télescopique pour éloigner un jeune homme, les policiers l'aspergent de poivre de cayenne en plein visage. Après quelques pas, celui-ci s'effondre sur le trottoir.

Jusque-là, Robert Bugeag ne s'étonnait pas de voir les policiers user de la force pour maîtriser la petite foule. C'est après l'arrivée des renforts que les choses se sont corsées à son avis.

Fraîchement débarqué, un policier aux cheveux grisonnants demande au jeune aspergé de poivre de cayenne de mettre ses mains dans le dos pour procéder à son arrestation. Une procédure standard, selon l'inspecteur-chef du SPVM, Patrick Lalonde. «On a l'obligation de décontaminer les individus», explique-t-il.

Or, une femme qui tentait d'aider le jeune homme en lui donnant de l'eau a refusé de s'éloigner. C'est alors que l'agent l'a tiré par le bras, l'a traîné sur quelques pas pour ensuite la projeter contre une borne de stationnement sur lequel était attaché un vélo.

Tandis qu'elle se trouve au sol, les mains sur ses côtes endolories, le policier l'ayant poussé lui ordonne de quitter les lieux. «Je te donne l'ordre de circuler. À 23h15, tu as l'ordre de circuler. Si tu circules pas, je te fais un constat d'infraction. As-tu compris ce que je viens de te dire?» lui crie l'agent.

«Je pense que les policiers avaient le droit d'utiliser la force si les gens ne collaboraient pas et que, par la suite, les gens les ont envoyé promener. Mais je pense qu'ils auraient pu éviter de lancer la fille sur le poteau», déplore Robert Bugeag, qui a été le seul à filmer cette partie de l'incident. Celui-ci ne sait toutefois pas si l'agent a délibérément choisi de projeter la jeune femme contre le seul élément de mobilier urbain présent sur le trottoir ou s'il s'agit d'un simple accident.

C'est précisément ce que le SPVM entend déterminer. Tous les agents du poste de quartier 38 ayant participé à l'intervention seront rencontrés sous peu pour donner leur version des faits. Le policier qui a projeté la jeune femme n'a pas été suspendu.

«Une image, c'est bien maudit. Une image peut être trompeuse. Des gens chez nous sont à analyser tout ça, mais j'ai peine à croire que c'était prémédité, qu'on a vraiment dirigé la personne vers le poteau», dit Patrick Lalonde. Le SPVM estime que son agent n'avait d'autre choix que d'utiliser la force pour la déloger devant sa «résistance passive».

Vérifications faites, une seule personne a porté plainte au 911. La jeune femme elle-même n'aurait pas porté plainte pour l'instant.