En vacances à Montréal avec sa famille, Julien Labrie a refusé d'accompagner ses parents au cinéma le soir du 26 juin 2009. Il s'est plutôt rendu au square Viger, où il a poignardé à mort un sans-abri endormi sur un banc.

Désespéré par son manque de succès auprès des filles et convaincu qu'elles préfèrent les mauvais garçons (thugs), il a raconté aux policiers qu'il avait tué une personne au hasard pour réussir à les séduire.

Après plusieurs heures d'interrogatoire, où il avait commencé par nier en bloc, le jeune homme de 21 ans, originaire de Sept-Îles, a fini par dévoiler ses motivations. «Je pensais juste aux filles, pas moyen de les avoir», a-t-il expliqué à l'enquêteuse Nancy Demers, de la section des crimes majeurs du Service de police de la Ville de Montréal.

Le procès de Julien Labrie, accusé de meurtre non prémédité, se tient devant jury au palais de justice de Montréal. Hier, les jurés ont visionné l'enregistrement vidéo de ce long interrogatoire, produit en preuve par la Couronne.

Après être passé aux aveux, l'accusé, l'air penaud, s'est mis à exprimer des regrets. «J'ai comme laissé mon corps agir. Je suis pas fier de moi en estie», raconte-t-il. «Comment ça s'est passé?», poursuit la policière. «Dégueulasse», réplique-t-il.

«L'amour ne s'achète pas»

Le jeune homme a raconté sa version des événements par bribes, éludant souvent les questions et s'exprimant par des clichés comme «l'amour ne s'achète pas». L'interrogatoire, qui dure sept heures, est parsemé de longs silences. L'accusé répète plusieurs fois que tout s'est passé très vite, en «sept secondes».

Il ne connaissait pas sa victime. Il a tenu à préciser que jamais il ne s'en serait pris à une femme. «Tu les aimes, les femmes?», lui demande l'enquêteuse. «Tu fais juste le dire puis je sens la vague dans mes yeux», lance-t-il.

Labrie s'est servi d'un petit couteau repliable, qu'il a abandonné sur place. Il est rentré à l'hôtel du centre-ville où séjournait toute la famille. Il s'est lavé les mains, tachées du sang de la victime, puis a préparé à manger.

Lorsque sa mère et son beau-père sont rentrés du cinéma, peu après minuit, il les attendait devant l'hôtel. Il a demandé à son beau-père s'il pouvait lui parler en privé. Sa mère est montée à la chambre.

«Quelque chose de grave est arrivé avec un crasseux», a-t-il dit à son beau-père. Il lui a ensuite montré un morceau de l'oreille droite du sans-abri.

Croyant à une simple bagarre, le beau-père, Mario Mourant, a témoigné plus tôt au procès qu'il avait attendu le lendemain matin pour se rendre à un poste de police avec sa femme et le jeune homme. Ce dernier est resté dans la voiture, puis il a tenté de quitter les lieux à pied. Les policiers l'ont rattrapé et arrêté pour voies de fait.

Les enquêteurs ont mis peu de temps à faire le lien entre le récit des parents du jeune homme et la découverte du corps du sans-abri, la veille, dans le square Viger.

Vers 23h20, le 26 juin, Éric Tremblay a été découvert dans une mare de sang à côté d'un banc de parc, la gorge tranchée, a raconté le procureur de la Couronne Thierry Nadon lors de son résumé de la preuve aux jurés.

Poignardé à plusieurs reprises

L'autopsie a révélé 13 plaies sur le corps de la victime, dont l'une très profonde, au cou, comme si l'auteur du crime s'était acharné à cet endroit, a témoigné le pathologiste André Bourgault, plus tôt au procès.

La mère du jeune homme, Johanne Blais, a pour sa part décrit l'adolescence difficile de son fils. Il a dû être placé dans un foyer d'accueil. Il s'automutilait. Lors de crises, il pouvait tout saccager autour de lui. Il a tout cassé dans cinq ou six logements qu'il a occupés à l'âge adulte, a-t-elle raconté. Avant de partir en vacances, son fils travaillait comme aide-boucher dans une épicerie de Sept-Îles.

L'avocate de Labrie, Me Annie Émond, a admis que son client avait «causé la mort» du sans-abri. Elle n'a toutefois pas encore annoncé si elle entendait présenter une défense et, si oui, quelle en serait la teneur. Le procès se poursuit aujourd'hui.