Si l'abbé Pierre Champoux couvrait des adolescents de cadeaux en plus de leur offrir des voyages et même son toit, c'était seulement par charité chrétienne.

C'est du moins ce qu'a soutenu le prêtre alors qu'il témoignait pour sa défense, vendredi, au palais de justice de Laval.

Dans la salle d'audience, les plaignants et leurs proches avaient du mal à dissimuler leur colère et leur exaspération. Pierre Champoux est accusé d'avoir agressé sexuellement un adolescent de 1984 à 1987, un autre de 1991 à 1993. L'homme de 74 ans aurait fait une troisième victime de 1997 à 2000.

Le procès qui se déroule actuellement concerne les plaintes des deux premières victimes. La plus récente fera l'objet d'un autre procès.

Interrogé par son avocat, l'abbé Champoux n'a cessé de vanter son dévouement pour les jeunes défavorisés et son «grand coeur». «Je l'ai beaucoup aimé. Je l'ai beaucoup aidé. Il en est conscient», a-t-il dit à propos du premier plaignant, qu'il a hébergé dans les années 80.

L'abbé Champoux a passé l'essentiel de sa vie ecclésiastique comme aumônier dans des écoles secondaires de Laval et, l'été, comme conseiller spirituel auprès des cadets de l'armée. Il a aussi été directeur général du camp de vacances Les Grèves, à Contrecoeur.

L'abbé Champoux a également été Grand Frère dans l'organisation du même nom. «Je voulais exercer ma paternité d'une autre manière», a-t-il expliqué vendredi. C'est par l'entremise de cet organisme qu'il a connu le premier adolescent. Il a rencontré le second alors qu'il était aumônier à l'école secondaire Marcel-Vaillancourt.

Il aurait commis les agressions, nombreuses au fil des ans, chez lui à Laval ainsi que lors de voyages qu'il offrait à ses «protégés» durant l'été. Les deux garçons ne se connaissaient pas. La seconde victime serait entrée dans la vie du prêtre alors que la première en était déjà sortie.

Familles défavorisées

Les deux adolescents venaient de familles défavorisées. Leur père était quasi absent de leur vie. Ils étaient en quête spirituelle, à la recherche d'un modèle. Le curé est même devenu le parrain de l'un d'eux. Il les a invités en Gaspésie, à Québec, à Toronto ainsi qu'à Wildwood et à Walt Disney World aux États-Unis, notamment.

«Il n'y a jamais eu d'activités d'ordre sexuel, d'aucune manière, nulle part», a martelé l'aumônier retraité d'un ton ferme, vendredi.

Plus tôt au procès, les victimes et leurs mères, qui ont témoigné tour à tour, ont raconté une tout autre histoire. Les deux mères ont eu l'impression que l'abbé Champoux avait «acheté» leur fils à coups de cadeaux et de voyages qu'elles ne pouvaient pas elles-mêmes leur payer. Selon elles, le prêtre les a manipulés jusqu'à réussir à les couper de leur famille.

Dès le début des années 90, l'un des jeunes hommes a porté plainte aux autorités ecclésiastiques et à l'Association des Grands Frères et des Grandes Soeurs de Montréal, mais il ne se sentait pas prêt, à l'époque, à porter plainte à la police, a-t-il raconté. Âgé de 41 ans aujourd'hui, il a dû suivre une longue thérapie.

Les accusations criminelles ont été portées en 2007 à la suite de la plainte du second jeune homme, âgé de 33 ans aujourd'hui. Au cours de leur enquête, les policiers de Laval ont découvert l'existence de celui qui avait dénoncé la situation aux Grands Frères dès le début des années 90.

Le procès se poursuivra le 2 novembre. La poursuite est représentée par Me Isabelle Briand, alors que l'accusé est défendu par Mes Jean Dury et Yves Duceppe. L'abbé Champoux est en liberté durant le processus judiciaire.