Jacques Groleau est un prédateur sexuel méthodique. Il ciblait toujours une jeune femme qui entrait chez elle seule, tard le soir. Il entrait avec elle dans sa tour de logements en se faisant passer pour un résidant. Une fois dans l'ascenseur, il sortait une arme et la menaçait de la tuer si elle ne collaborait pas. Il apportait un condom avec lui qu'il récupérait après avoir agressé sa victime.

L'homme de 50 ans au lourd passé judiciaire a fait cinq victimes en deux ans avant que la police ne lui mette la main au collet. L'une d'elles a réussi à lui arracher son dentier en se débattant. Cela a permis aux enquêteurs de récolter son ADN et de faire le lien avec d'autres agressions survenues dans le même quartier, le Plateau Mont-Royal.

Au moment des plaidoiries sur la peine, hier, au palais de justice de Montréal, la poursuite et la défense ont suggéré de lui imposer une lourde peine de 15 ans de pénitencier. Les deux parties ont aussi recommandé qu'il soit déclaré «délinquant à contrôler» pour la période maximale de 10 ans après sa sortie de prison.

«J'aurais préféré mourir cette nuit-là. Tout ce que je fais depuis, c'est survivre», a témoigné l'une de ses victimes, hier, la voix étouffée par les sanglots. La jeune femme, qui avait 20 ans à l'époque, est la première victime de Groleau. Au cours des deux années suivant son agression, alors que Groleau n'avait pas encore été arrêté, elle avait l'impression de le voir partout. Au dépanneur. À l'épicerie. Au coin de la rue.

Cette victime prend toujours des médicaments pour calmer son angoisse. Elle a quitté Montréal pour retourner vivre dans sa région natale. «Je vis échec après échec. Je ne suis plus celle que j'étais avant», a-t-elle dit.

«Vous êtes très courageuse», lui a souligné la juge Hélène Morin, alors que l'accusé, assis dans le box, sanglotait bruyamment.

Une autre de ses victimes, jeune Française arrivée à Montréal une semaine avant l'agression, a préféré s'exprimer par écrit. «Savez-vous ce que c'est, d'être allongée de force, sans possibilité de vous échapper, avec quelqu'un qui vous menace de viol ET de mort, pendant que votre esprit trop conscient sait qu'il n'y a rien à faire et que vous n'avez qu'à attendre la mort d'une manière ou d'une autre? Je n'oublierai jamais ce sentiment de m'être fait enterrer vivante et d'attendre la fin», a-t-elle écrit dans sa lettre déposée en preuve.

Alors que Groleau était en train de l'agresser, la jeune femme a tenté le tout pour le tout et lui a planté les doigts dans les yeux. Elle a ensuite réussi à lui arracher son dentier et à se défaire de son emprise. Déstabilisé, l'accusé a déguerpi avant que la police n'arrive, laissant son dentier derrière lui.

Groleau a reconnu sa culpabilité à 15 chefs d'accusation d'agression armée, d'agression sexuelle, de séquestration et d'introduction par effraction. Les agressions se sont produites entre novembre 2008 et septembre 2010. Les victimes avaient de 20 à 36 ans.

La psychiatre France Proulx, chargée de l'évaluer, recommande qu'il soit déclaré «délinquant à contrôler». Il ferait ainsi l'objet d'une surveillance stricte durant 10 ans après sa sortie de prison. «Il a tendance à minimiser l'ampleur de ses délits», a fait valoir la procureure de la Couronne, Me Sylvie Lemieux. Groleau a déjà purgé une peine de 15 ans dans les années 80 pour des délits de même nature.

De son côté, l'avocat de Groleau, Me Louis-Philippe Roy, a insisté sur l'enfance difficile de son client. Victime de sévices sexuels à répétition dans son enfance, il a fait de la prostitution pour survivre à l'adolescence. Selon la psychiatre, Groleau n'éprouve pas de désirs de viol lorsqu'il est à jeun, a rappelé l'avocat. C'est lorsqu'il consomme de la cocaïne qu'il devient un prédateur.

«Je regrette ce que j'ai fait. Je mérite ce que je vais avoir», a témoigné l'accusé. Il sera fixé sur son sort le 15 novembre lorsque la juge Morin rendra son verdict sur la peine.