Le ministre des Affaires autochtones du Québec, Geoffrey Kelley, reconnaît qu'il y a eu des «manquements» dans l'enquête policière sur la disparition de deux adolescentes de la réserve algonquine de Kitigan Zibi, près de Maniwaki.

Réagissant à un reportage publié hier dans La Presse, le ministre a déclaré que les disparitions et meurtres d'Amérindiennes constituent «une problématique au Québec», mais qu'il ne s'agit pas d'un «fléau» comme dans l'Ouest canadien.

Le 6 septembre 2008, Maisy Odjick, 16 ans, et Shannon Alexander, 17 ans, ont disparu sans laisser de traces. Pendant six mois, leurs dossiers ont été séparés: celui de Maisy à la police de Kitigan Zibi et celui de Shannon, qui habitait Maniwaki, à la Sûreté du Québec.

Pendant ces premiers mois cruciaux, les deux corps de police se sont renvoyé la balle.

Les familles disent s'être démenées pour que les dossiers soient confiés au même enquêteur. Elles estiment avoir été laissées à elles-mêmes et accusent la police de ne pas les avoir prises au sérieux parce qu'elles étaient autochtones.

«De toute évidence, il y avait des manquements dans ce dossier, il y avait une confusion au départ de cette enquête, mais, en comparaison avec le fléau qui existe dans l'Ouest canadien, on est un peu à l'abri», a dit le ministre Kelley, hier, à l'Assemblée nationale.

«C'est inacceptable, ce qui vient de se passer avec ces femmes, et l'inconnu, la misère de ces familles... nous allons trouver des solutions», a aussi promis le ministre.

«On va continuer de travailler avec les femmes autochtones du Québec, avec l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador et avec les centres d'amitié au Québec pour s'assurer de trouver une meilleure protection pour les femmes autochtones au Québec.»

Un choc, pas une surprise

Ébranlée par notre reportage, la présidente de l'Association des femmes autochtones du Québec, Michèle Audette, exige la preuve que les enquêtes policières sont bel et bien menées de la même façon pour tous les citoyens dans la province, quelle que soit la couleur de leur peau.

«J'ai besoin que l'on me rassure sur le fait qu'au Québec, il n'y pas de discrimination systémique, dit Mme Audette. Je veux que l'on me prouve que les enquêtes ne sont pas menées de façon différente quand les victimes sont autochtones.»

Le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, a assuré en Chambre que dans les cas de disparition, peu importe l'origine ethnique, les policiers font leurs recherches «de la façon la plus professionnelle possible dans des circonstances extrêmement difficiles».

Mme Audette a été choquée, mais pas vraiment surprise, par notre reportage qui a levé le voile sur le sort réservé à plus de 600 femmes autochtones disparues ou assassinées au Canada depuis 30 ans. Des crimes souvent commis dans l'indifférence générale.

En juin, Mme Audette a rencontré des représentants du ministère de la Sécurité publique pour les sensibiliser à l'importance de lutter contre l'épidémie de violence qui frappe les femmes autochtones de la province. Elle souhaite la mise sur pied d'une escouade spéciale, entraînée pour mieux répondre aux cas de disparition et de meurtre d'Amérindiennes.

D'ici quelques mois, la présidente compte créer un groupe de travail formé de représentants des ministères de la Sécurité publique et de la Justice, de différents corps policiers et des familles de victimes. L'objectif: trouver des solutions pour mettre un terme à cette tragédie silencieuse.

Une campagne de sensibilisation auprès de la population sera aussi lancée.

Depuis quelques années, des groupes de défense des droits de la personne tentent de lever le voile sur ces disparitions et ces meurtres inexpliqués. Amnistie internationale a déjà publié deux rapports sur cette question, en 2004 et en 2009. L'Association des femmes autochtones du Canada réclame de son côté une enquête nationale.

La pression vient aussi de l'extérieur. «En octobre 2008, le Comité des Nations unies pour l'élimination de la discrimination des femmes autochtones a exhorté le Canada à examiner les affaires de disparitions ou de meurtres de femmes autochtones et à remédier aux carences du système ayant entraîné l'absence d'enquêtes», rappelle un récent rapport des Communes sur la violence faite aux femmes autochtones.

- Avec la collaboration de Tommy Chouinard à Québec