Quelques jours après avoir appris la mort de son fils, tué par des policiers de Montréal, Donald Saulnier a reçu une facture des ambulanciers qui avaient conduit le jeune homme à l'hôpital du Lakeshore.

Donald Saulnier n'était pas scandalisé. En fait, il était tellement désespéré qu'il a téléphoné aux ambulanciers. «Je leur ai dit que j'allais payer, mais avant, ils devaient me raconter ce qui s'était passé, ce qu'ils avaient vu. Ils m'ont répondu qu'ils ne pouvaient pas faire ça...»

Assis à la table de sa cuisine, à Chicoutimi, Donald Saulnier fulmine. Pas seulement parce que son fils a été abattu par des policiers. Aussi parce que, près d'un an plus tard, il ne sait à peu près rien de l'intervention fatale.

«Personne ne m'a rappelé au SPVM et à la Sûreté du Québec, qui a hérité de l'enquête», soupire M. Saulnier, 56 ans.

Il se rabat sur des rumeurs. Un peu comme si le récit de l'intervention qui a coûté la vie à son fils s'était perdu entre Chicoutimi et Beaconsfield, où les événements se sont produits dans la nuit du 6 février.

Patrick Saulnier et un complice s'étaient introduits dans une maison privée pour y voler de la marijuana. Ils se sont trompés d'adresse et se sont retrouvés dans une résidence où dormaient deux enfants.

Après s'être rendu compte de leur méprise, ils se sont enfuis dans une voiture volée, qu'ils ont dû abandonner aussitôt après une collision avec un véhicule garé à proximité. Ils ont alors pris la fuite à pied, jouant au chat et à la souris avec les policiers sur des terrains privés.

Entre ce moment et la mort de Patrick Saulnier, le mystère reste entier.

«Il paraît qu'on a tiré sur lui à neuf reprises, qu'il a été atteint dans le dos. Je ne suis même pas capable de savoir s'il est mort instantanément, s'il a souffert ou s'il était armé», se désole son père.

Il reconnaît que son fils n'était pas un enfant de choeur. Mais la police n'est pas pour autant dispensée de rendre des comptes. «On ne leur donne pas des permis de chasse en sortant de l'école de police, tonne-t-il. Ont-ils agi pour se protéger? Mon fils était-il armé et menaçant? Si oui, qu'on me l'explique ou qu'on donne l'enquête à une personne neutre!»

«Malgré toutes ses frasques, Patrick était un bon fils qui respectait la famille», souligne Donald Saulnier, qui se sent coupable de la trajectoire prise par son fils à l'adolescence. «Il se faisait beaucoup harceler à l'école jusqu'au jour où j'ai eu le malheur de lui dire de se défendre...»

Il exhorte le gouvernement à modifier la formule des enquêtes confiées, «par souci de transparence et d'impartialité», à un corps policier différent de celui des agents impliqués. «Elle est où, la transparence, là-dedans? Nulle part! Toutes mes démarches sont des coups d'épée dans l'eau!»