Onde de choc dans le milieu du crime organisé: la police a réussi à obtenir des messages cryptés par BlackBerry dans son enquête sur la mort du mafioso Salvatore Montagna. Ce sont ces messages, réputés ultrasûrs, qui ont permis d'arrêter le caïd Raynald Desjardins et son partenaire Vittorio Mirarchi.

Selon ce qu'a appris La Presse de plusieurs sources, les accusés ont été extrêmement surpris d'apprendre que la Sûreté du Québec aurait eu connaissance du contenu de ces communications, car ils croyaient la chose impossible.

La réputation des téléphones BlackBerry s'est bâtie notamment sur la fiabilité de leur système de cryptage, et plusieurs criminels ne jurent que par le petit appareil de Research In Motion, qu'ils voient comme une protection contre la police.

Vittorio Mirarchi, homme d'affaires de Sainte-Adèle au casier judiciaire vierge, serait un utilisateur frénétique de son BlackBerry, sur lequel il envoie constamment des messages écrits.

Les messages obtenus par la police ont été envoyés par le système BlackBerry Messenger, qui fait transiter toute communication par les serveurs de Research In Motion.

Il a été impossible hier de savoir si les policiers ont obtenu d'une quelconque façon la collaboration du fabricant ou s'ils ont trouvé un autre moyen pour lire les messages d'un ou de plusieurs suspects. Au palais de justice, les mandats d'interception des communications sont toujours sous scellés.

La GRC, qui n'a pas autorité sur les meurtres au Québec, aurait participé à l'opération, selon une source proche du dossier.

En Inde, en Angleterre, aux États-Unis et au Canada, le niveau d'impénétrabilité des communications cryptées du BlackBerry a donné lieu à des débats publics enflammés dans le passé.

Selon nos informations, les enquêteurs ont aussi utilisé d'autres moyens électroniques sophistiqués pour accumuler des preuves circonstancielles le jour même du meurtre de Salvatore Montagna.

Au moment de leur arrestation, les accusés soupçonnaient plutôt la police d'avoir bénéficié des services d'un délateur, seule explication plausible à leurs yeux. Ce n'est finalement pas le cas.

Inquiétude du «milieu»

La nouvelle de l'obtention par la police des messages cryptés s'est répandue comme une traînée de poudre dans le milieu du crime organisé. Plusieurs sources affirment que de nombreux autres criminels tremblent maintenant à l'idée que leurs conversations incriminantes, qu'ils croyaient parfaitement protégées, aient pu être interceptées.

Les experts en technologies de l'information risquent d'ailleurs de suivre avec intérêt les débats qui auront lieu au palais de justice de Joliette dans le dossier du meurtre de Montagna.

Raynald Desjardins, ancien bras droit du parrain Vito Rizzuto, est considéré par la police comme un des acteurs les plus importants du crime organisé au Québec. Il a plutôt la réputation d'être prudent dans la conduite de ses «affaires».

«M. Desjardins n'est pas du genre à parler de ça au téléphone», a récemment affirmé une source qui connaît bien le milieu.

Desjardins, Mirarchi ainsi que Felice Racaniello et Jack Simpson sont tous accusés de meurtre et de complot pour meurtre relativement à la mort de Salvatore Montagna, tué le 24 novembre à Charlemagne.

Évidemment, tous n'ont pas tiré sur la victime. Mais la police croit que certains d'entre eux ont commandé, organisé ou approuvé le meurtre.

Raynald Desjardins, un des rares non-Italiens à être branchés sur les plus hautes instances de la mafia italienne de Montréal, avait été la cible d'un attentat raté le 16 septembre dernier, à Laval.

Or, selon l'acte d'accusation, c'est précisément à cette date que Desjardins et ses complices ont commencé leur complot pour tuer Salvatore Montagna, ancien dirigeant par intérim de la famille mafieuse new-yorkaise des Bonanno.

Deux autres suspects que la police considère comme des hommes de main du groupe, Calogero Milioto, 40 ans, et Pietro Magistrale, 59 ans, sont accusés de crimes moins graves, relatives à la possession d'un petit arsenal saisi lors des perquisitions.

Le dossier retourne devant la cour aujourd'hui.