Ian Davidson, soupçonné d'être la taupe du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), savait que sa tête était mise à prix par des criminels figurant sur la liste ultra-secrète qu'il avait tenté de vendre à la mafia, a appris La Presse.

Le policier retraité, dont la rocambolesque tentative de trahison a été révélée dans les médias lundi, se serait tranché la gorge dans une chambre d'hôtel de Laval, mercredi. Sa conjointe a pris contact avec la police de Montréal, en matinée, pour signaler sa disparition. Vers 8h50, les ambulanciers ont découvert son corps ensanglanté à l'hôtel Châteauneuf, au bord de l'autoroute 15. En début de soirée, la police de Laval a confirmé que l'examen des lieux permettait de privilégier la thèse du suicide.

Ancien analyste de la division du renseignement criminel de la police de Montréal, Davidson, âgé de 57 ans, aurait tenté de vendre à la mafia, pour 1 million de dollars, la liste des informateurs du SPVM. Sur cette liste figurent plusieurs criminels qui renseignent la police à l'insu de leurs camarades.

L'histoire de Davidson a été révélée par Radio-Canada et TVA lundi soir, mais la police de Montréal l'avait dans sa ligne de mire depuis le printemps dernier.

En octobre, après une enquête approfondie dont La Presse a révélé les détails, les enquêteurs du SPVM l'ont interpellé à l'aéroport Montréal-Trudeau alors qu'il s'apprêtait à s'envoler vers le Costa Rica. Il avait en sa possession du matériel informatique crypté qui contenait la fameuse liste secrète qu'il aurait tenté de vendre à un membre de la mafia.



Un casse-tête

Davidson, qui avait accès à cette liste quand il travaillait au SPVM, a été relâché et n'a pas été immédiatement accusé. Son cas, en effet, était un casse-tête pour les procureurs de la Couronne: comme la liste devrait être présentée en preuve dans un procès criminel, ils craignaient que le secret de l'identité des informateurs ne soit révélé.

Mais selon nos sources, Ian Davidson n'avait pas que la justice à craindre. Le SPVM l'a avisé, dans les semaines qui ont suivi son arrestation, que sa vie était en danger. «Nous avions appris que des gens qui figuraient sur la liste étaient furieux contre lui et souhaitaient attenter à sa vie», a confié un policier bien au fait de l'enquête.

Le SPVM avertit ponctuellement des gens - sur la foi d'indices fournis par des informateurs ou glanés lors d'écoutes électroniques - que leur vie ou leur intégrité physique est menacée. C'est ce que les policiers montréalais ont fait avec leur ancien collègue quand ils ont eu vent de menaces contre lui.

Par ailleurs, même si le SPVM a réussi à remettre la main sur la fameuse base de données au terme d'une enquête frénétique, cette affaire a entaché sa crédibilité aux yeux de ses informateurs et d'autres corps de police.

Selon nos sources, plusieurs informateurs dont le nom se trouve sur la liste ont appelé leur «contrôleur» au SPVM pour lui faire part de leur mécontentement. La SQ a aussi reçu quelques appels similaires. Des agents de la Gendarmerie royale du Canada, qui partagent quotidiennement des renseignements avec leurs confrères de Montréal, ont en outre déclaré que ceux-ci devraient revoir leurs règles de sécurité.

- Avec la collaboration de Vincent Larouche