Le ministère public a décidé d'abandonner la poursuite contre un infirmier de 52 ans accusé d'avoir chargé des policiers avec son vélo lors d'une manifestation. Le procès, qui devait s'ouvrir hier au palais de justice de Montréal, a donc été annulé.

L'accusé, Scott Weinstein, est persuadé que la poursuite a été abandonnée parce qu'il est en mesure de prouver que les policiers ont effacé des images que contenait son appareil photo, qu'ils ont saisi lors de son incarcération.Tant du côté de la défense que de la poursuite, les avocats ont été avares de commentaires sur ce qui a mené au retrait de l'accusation. Selon M. Weinstein, la Couronne a accepté de laisser tomber les accusations s'il s'engageait à ne pas intenter de poursuite civile. Il songe néanmoins à porter plainte en déontologie policière.

L'affaire remonte au 1er juillet 2010, jour d'une manifestation à Montréal qui visait à dénoncer les arrestations menées en marge du sommet du G20 à Toronto. Weinstein affirme qu'il a été arrêté parce qu'il avait filmé des policiers en civil. La poursuite l'accusait plutôt d'avoir utilisé sa bicyclette comme arme contre les policiers.

Les agents ont saisi son appareil photo lors de l'arrestation. Selon M. Weinstein, il contenait près d'un millier de films et de photos de la manifestation, mais aussi de ses vacances. Il soutient que, lorsque les policiers lui ont remis l'appareil à sa sortie de prison, quelques heures plus tard, la carte-mémoire avait été effacée.

Pour tenter de récupérer les fichiers, il a eu recours à un expert en informatique, Mike Derason, qui a pu rétablir environ 80 fichiers. L'une des images, complètement noire, a été prise à une heure où Weinstein était derrière les barreaux. Il pense que seuls les policiers ont pu la prendre. «Si ma vidéo soutenait la version des policiers, qui affirment qu'ils m'ont dit de reculer et que je les ai ensuite attaqués, ils auraient certainement utilisé la preuve vidéo contre moi, a déclaré M. Weinstein. Au lieu de ça, ils ont détruit la preuve vidéo qui appuie le fait que je n'ai rien fait de mal.»

Il s'est par ailleurs dit découragé par la longueur du processus judiciaire: «Dès la première journée, nous avons demandé à la Couronne de regarder la preuve. Ce n'est que 17 mois plus tard, le matin du procès, qu'ils l'ont regardée et qu'ils déterminent qu'il n'y a pas matière à procès!»«Vous pensez sûrement que je suis un homme qui se bat pour les principes tout le temps, mais la plupart du temps, j'ai un client, et je me bats pour mon client. La cause est finie et j'en suis content», a pour sa part indiqué l'avocat de M. Weinstein, Julius Grey.

La procureure de la Couronne, Hélène Descaries, s'est bornée à dire que, à la suite de la discussion qu'elle avait eue avec ses témoins, il n'était pas «opportun» de poursuivre. «Ce sont des incidents qui remontent à loin, les parties ont milité de part et d'autre pour que le dossier se termine et pour ne pas faire traîner ça indûment.»