Un bras de fer s'est engagé en cour aujourd'hui lorsque les avocats d'une entreprise de Tony Accurso ont annoncé qu'ils chercheront à obtenir l'identité d'une des «meilleures sources» de l'émission Enquête, source qui a coulé beaucoup d'information sur l'industrie de la construction et qui craint maintenant pour sa sécurité, selon le journaliste Alain Gravel.

L'entreprise Louisbourg de M. Accurso avait dépêché trois avocats du bureau Fraser Milner Casgrain au palais de justice dans le cadre d'une requête pour faire déclarer Radio-Canada coupable d'outrage au tribunal.

Louisbourg reproche à Radio-Canada des reportages de l'animateur d'Enquête, Alain Gravel, basés sur une dénonciation de Revenu Québec. Cette dénonciation a été placée sous scellé par un juge.

Les reportages diffusés le 17 avril et 31 mai dernier traitent des tentatives par Revenu Québec d'obtenir la preuve amassée par l'Agence du revenu du Canada contre Louisbourg et Simard-Beaudry, des entreprises de la famille Accurso reconnues coupables de fraudes fiscales totalisant plus de 4 millions $ au fédéral.

Le journaliste y affirmait que Revenu Québec «voudrait aller beaucoup plus loin» que les autorités fédérales en impliquant personnellement Tony Accurso dans l'évasion fiscale.

Secrets mis à jour

Selon les avocats de Louisbourg, la dénonciation dont des extraits auraient été diffusés par le journaliste contient «une foule de paragraphes sur le secret fiscal et le secret des négociations entre Revenu Canada et notre cliente».

Ces secrets auraient dû être protégés, allèguent-ils, mais Radio-Canada aurait plutôt «sciemment violé la confidentialité du dossier» et privé Louisbourg de la protection que lui aurait octroyé un tribunal. Les avocats Luc Giroux, Mélisa Thibault et Frédérique Geoffrion-Brassard jugent les reportages à ce sujet tellement explosifs qu'ils les ont mis sous scellé avant de les déposer en preuve au dossier de la cour.

Le journaliste Alain Gravel a témoigné à la cour qu'il a obtenu la dénonciation de Revenu Québec légalement, grâce à une source confidentielle, avant qu'elle ne soit placée sous scellé par un juge.

«Quand on dit que Revenu Québec cherche à impliquer directement M. Accurso, ce n'est plus de l'information fiscale privée, c'est de l'information d'intérêt public», a-t-il insisté, soulignant les allégations de dépenses personnelles dans des magasins de luxe, sur le bateau et la résidence de M. Accurso qui seraient au coeur de l'enquête du fisc.

«C'était notre devoir de rendre publique cette information», a-t-il dit.

«Je veux savoir le no

Au nom de Louisbourg, Me Giroux a alors annoncé qu'il demanderait à ce qu'on lui révèle l'identité de la source.

«Je veux savoir le nom de la source et je vais peut-être vouloir l'interroger», a-t-il annoncé au juge.

Un débat légal sur la protection des sources s'est alors amorcé.

Alain Gravel a raconté qu'il entretient une relation professionnelle avec sa source depuis plus de deux ans, et qu'elle a fourni beaucoup d'information sur l'industrie de la construction.

«C'est une de mes meilleures sources depuis que je suis à l'émission Enquête. Par la qualité de ses informations, sa fonction et sa crédibilité», a affirmé l'animateur.

Maintenant qu'elle sait qu'une procédure a été amorcée en cour, «elle est très nerveuse pour les conséquences éventuelles sur sa vie professionnelle et à la limite sur son intégrité physique», a-t-il ajouté, provoquant l'indignation des avocats de Louisbourg.

Me Giroux a proposé, si la source ne veut pas être connue du public, que son identité soit seulement transmise aux procureurs des deux parties en cause, puis protégée des médias par un interdit de publication. L'idée n'a pas semblé rassurer M. Gravel.

Interrogé par le juge à savoir ce qu'il ferait si la cour lui ordonne de dévoiler sa source, M. Gravel s'est montré catégorique.

«J'ai avisé Radio-Canada que j'allais protéger ma source, quoi qu'il advienne», a-t-il dit.

«C'est ce que M. Leblanc avait dit, d'ailleurs», a remarqué le juge, en référence au journaliste du Globe and Mail Daniel Leblanc, qui s'est rendu jusqu'en Cour suprême pour protéger la source lui ayant permis de mettre à jour le scandale des Commandites.

La cause se poursuit jeudi.