Les avocats des trois plus grands fabricants de tabac du Canada ont soutenu, lundi, que les Québécois qui fument le font en connaissant les risques et ne peuvent pas faire porter à d'autres la responsabilité de leur décision.

Me Simon Potter, représentant la société Rothmans, Benson&Hedges, a cité cette maxime: «La personne qui, volontairement et librement, s'expose à un risque dont elle est consciente en accepte les conséquences éventuelles et ne peut ensuite réclamer une indemnité pour le préjudice subi.»

«La responsabilité personnelle est au coeur de la cause qui nous occupe», a déclaré Me Guy Pratte, avocat de JTI Macdonald, qui fabrique entre autres les cigarettes Export 'A' à son usine de Montréal.

«Les fumeurs connaissent les risques [du tabagisme] depuis 50 ans, mais décident néanmoins de fumer», a dit

Me Suzanne Côté, représentante d'Imperial Tobacco, fabricante des populaires Du Maurier.

Le procès en recours collectif de ces trois fabricants a commencé lundi dans une grande salle du palais de justice de Montréal, devant le juge Brian Riordan, de la Cour supérieure. Si les sociétés sont déclarées coupables, elles pourraient avoir à verser jusqu'à 27 milliards de dollars à 1,8 million de Québécois.

Deux recours ont été jumelés. Le premier représente 90 000 fumeurs et ex-fumeurs québécois victimes de cancers du poumon, de la gorge, du larynx ou d'emphysème. Les porte-parole sont Jean-Yves Blais, un fumeur qui a contracté un cancer du poumon, et le Conseil québécois sur le tabac et la santé.

Le deuxième recours a été déposé au nom des 1,8 million de personnes dépendantes du tabac au Québec. La porte-parole est Cécilia Létourneau, une femme qui a tenté en vain d'arrêter de fumer.

La journée de lundi a été consacrée à la présentation de la cause par les avocats. La vaste salle d'audience, contenant des dizaines de chaises, était bondée.

L'avocat des requérants, Me Bruce Johnston, a dit qu'il allait prouver que les fabricants ont mis en marché des produits toxiques et ont tout fait pour dissimuler les risques.

Les avocats des trois sociétés poursuivies ont défilé tour à tour et nié la responsabilité de leurs clients. Ils ont cité des documents du gouvernement fédéral montrant que les Canadiens sont bien au fait des dangers du tabagisme depuis les années 60.

«Encore aujourd'hui, des dizaines de milliers de personnes commencent à fumer, et ce, malgré les avertissements de santé», a déclaré

Me Suzanne Côté.

«Pourquoi les gens fument? a demandé Me Guy Pratte. Parce qu'ils le veulent. Dans notre société, on protège la liberté de choix, lorsque ces choix sont éclairés.»

Le fédéral en cause?

Les avocats des entreprises ont affirmé que leurs clients ont simplement suivi les règlements. «Le gouvernement fédéral a dirigé la recherche et a développé presque tous les types de tabac qui sont utilisés dans la fabrication des cigarettes depuis la fin des années 80», a soutenu Imperial Tobacco, dans un communiqué remis aux journalistes. L'avocat du gouvernement fédéral, Me Maurice Régnier, a réfuté cette allégation.

«Les compagnies se déchargent de leurs responsabilités», a dit de son côté François Damphousse, directeur du bureau de Québec de l'Association pour les droits des non-fumeurs, au cours d'un entretien.

«La grande majorité des nouveaux fumeurs ont moins de 18 ans et ne sont pas en mesure de prendre une décision éclairée. C'est eux que visent les compagnies. Elles essaient de semer le doute sur la nocivité du tabac.»

Le procès, qui se poursuit aujourd'hui, durera vraisemblablement deux ans.