«La police de Montréal qui surveille la manifestation contre la brutalité policière, c'est comme si on demandait au Ku Klux Klan de surveiller une manifestation d'Afro-Américains.»

Par ces paroles très dures, le professeur d'université Francis Dupuis-Déri dénonce la façon brutale avec laquelle, selon lui, la police de Montréal réprime chaque année la manifestation justement chargée de dénoncer ce type de répression.

Enseignant au département de science politique de l'UQAM, il s'intéresse notamment à l'étude des groupuscules anarchistes, radicaux et autres altermondialistes.

Depuis quelque temps, il marche régulièrement avec les étudiants qui protestent contre la hausse des droits de scolarité, et ce soir, il sera sur place pour observer la marche annuelle organisée par le Collectif opposé à la brutalité policière (COBP).

Il croit que la manifestation sera fort courue, dans la foulée des événements récents opposant les grévistes étudiants et la police de Montréal, surtout lors de la manifestation du 7 mars devant la tour Loto-Québec. C'est là que Francis Grenier aurait reçu dans l'oeil une grenade assourdissante ou irritante lancée par les membres du groupe d'intervention de la police de Montréal.

«La marche du COBP, chaque année, a un thème. Cette année, c'était, bien avant que le mouvement étudiant se mette en branle, la répression politique. C'est de circonstance», remarque-t-il.

Car selon lui, l'intervention policière auprès des étudiants démontre bien cela. La police fait selon lui du profilage politique.

Selon lui, si la police laissait les participants manifester chaque 15 mars en assurant une présence discrète, il n'y aurait pas de grabuge. Ou bien moins.

Il cite en exemple de bonne intervention policière la manifestation de cette semaine, quand la rue Sainte-Catherine a été bloquée pendant une dizaine d'heures par des étudiants. Les policiers étaient peu nombreux, plutôt détendus. Ils ont toléré une transgression de la loi «mineure», soit le blocage de la rue, et en ont ainsi évité que la manifestation dérape.

Tout le contraire de la manifestation du 7 mars, et de celles du COBP.

Il convient que ce dernier événement est souvent «turbulent», et qu'il est «parfois compliqué de savoir qu'est-ce qui provoque quoi», mais la police, en faisant d'emblée des démonstrations de force intimidantes, fait fausse route, dit-il.

«Il y a un consensus universitaire, et c'est une chose très rare, quant au fait que la police a une façon de procéder avec un double standard devant les foules. Il y a pour eux de bons manifestants, comme des employés en conflit de travail, et d'autres qui ont des causes illégitimes. Les sociologues le disent, pour les policiers, ce que les manifestants font a peu d'importance, mais qui ils sont en a une grande. Les mouvements d'extrême gauche sont non légitimes aux yeux de la police qui a une plus faible tolérance quand ils commettent de légères transgressions de la loi», analyse-t-il.

Pour lui, la police devrait cesser chaque année, quand approche le 15 mars, de prévenir la population du possible danger pour la sécurité publique causé par la manifestation, et répondre aux préoccupations des manifestants.

Hier, dans une rencontre avec les journalistes, l'inspecteur-chef Alain Bourdages, de la police de Montréal, mentionnait de son côté que si les manifestants acceptaient de collaborer et de donner l'itinéraire de leur action aux policiers, la cohabitation serait probablement moins chaotique.

La suite du bras de fer, ce soir...