Ils sont psychiatres tous les deux. L'un, le Dr Louis Morissette, dit que Guy Turcotte est tout à fait prêt à sortir de l'Institut Philippe-Pinel pour vivre en société. L'autre, le Dr Pierre Rochette, veut le garder en institution et observer comment il va évoluer.

Huit mois après avoir été déclaré criminellement non responsable des meurtres de ses deux enfants, Guy Turcotte continue de diviser les experts. Selon le Dr Morissette, qui a évalué M. Turcotte à la demande de ses avocats, l'ex-cardiologue n'est plus le même homme qu'il y a trois ans, quand il a poignardé ses enfants. La maladie mentale, trouble d'adaptation avec humeur dépressive, n'est plus là, il ne prend plus de médicaments et a appris le monde des émotions. «C'est le candidat idéal. On ne peut demander mieux», a fait valoir le Dr Morissette pendant son témoignage devant la Commission d'examen des troubles mentaux, hier, à l'Institut Philippe-Pinel. La Commission doit décider du sort de M. Turcotte, en fonction du danger qu'il pourrait représenter.

Plaidoyer de la défense

Le Dr Morissette est d'avis que M. Turcotte, qui était cardiologue au moment du drame, «est un homme posé, lucide, très conscient des dangers du futur et des obstacles. Mais il a le soutien de sa famille pour sa reconstruction». Il croit que Guy Turcotte était animé par l'altruisme quand il a tué ses enfants, et non pas par la rage envers son ex-conjointe, Isabelle Gaston, qui lui en préférait un autre. «Je n'ai aucune raison clinique de penser qu'il a agi autrement que par altruisme.» Le Dr Morissette avoue cependant que la rage est une possibilité qu'on ne peut exclure.

Hier, le Dr Morissette a parlé d'un événement qui s'est produit en février dernier. M. Turcotte avait regardé son ex-conjointe à l'émission Tout le monde en parle. Son psychiatre et une infirmière voulaient savoir comment il s'était senti. M. Turcotte a répondu qu'il était «écoeuré par les faussetés». On lui a alors demandé quand la vérité allait être révélée.

«La vérité est sortie au procès», a rétorqué M. Turcotte.

«Ils veulent lui faire dire qu'il a agi par colère», croit le Dr Morissette.

Pas de lien de confiance

Le Dr Pierre Rochette est le psychiatre traitant de Guy Turcotte à l'Institut Philippe-Pinel. «Traitant» est un bien grand mot, car M. Turcotte ne veut rien savoir du Dr Rochette. «Lorsque les émotions remontent, il se ferme... Il ne me considère pas comme son médecin traitant. Le lien de confiance n'est pas là», a admis le Dr Rochette, hier. Il a signalé qu'en conséquence, il voyait Guy Turcotte une dizaine de minutes par semaine, simplement pour s'assurer qu'il était en sécurité et qu'il n'était pas suicidaire.

Le Dr Rochette pense que M. Turcotte fait de la fuite en avant, et qu'un sens doit être donné au crime qui s'est produit. La quarantaine de coups de couteau infligée aux enfants est une violence qui ne peut être occultée, dit-il. Le Dr Rochette a même évoqué le fait que Mme Gaston et son nouveau conjoint puissent être victimes à leur tour. Il faut creuser la colère de Guy Turcotte, et il faut le faire à l'interne, selon lui. Il songe à «ce qu'il y a de mieux» à Pinel pour Guy Turcotte: le mettre dans l'unité des meurtres intrafamiliaux, pour qu'il suive des thérapies individuelles et de groupe.

L'audience se poursuit aujourd'hui avec les plaidoiries.