Une crevette peut-elle transmettre la bactérie mangeuse de chair? C'est ce que croit une montréalaise de 39 ans qui a dû combattre une fulgurante infection de ce genre après s'être piquée avec la carapace d'une crevette.

Katherine Simard et son conjoint réclament 873 000$ en dommages à une poissonnerie de Montréal, à l'assureur de celle-ci, de même qu'au grossiste Crabiers du Nord, au motif que ceux-ci auraient vendu un produit impropre à la consommation.

Katherine Simard allègue que le petit crustacé était porteur de la bactérie streptococcus iniae, qui aurait provoqué la fasciite nécrosante à streptocoque dont elle a souffert, en avril 2009. Cette infection, mieux connue sous le nom de bactérie mangeuse de chair, se serait déclarée le 11 avril 2009, deux jours après qu'un bout de carapace de crevette se serait malencontreusement logé dans sa main droite.

Dans les documents déposés au palais de justice de Montréal, Mme Simard raconte que chaque année, au mois d'avril, elle et sa famille achètent des crevettes nordiques cuites dans leur carapace, lors du premier arrivage de l'année. C'est ce qu'ils ont fait le 9 avril 2009, à la poissonnerie de l'Avenue du parc, qu'ils fréquentent depuis des années. Le soir, alors que tout le monde décortiquait ses crevettes à table, madame raconte qu'un bout d'écaille a pénétré dans la paume de sa main droite. Elle dit avoir retiré la partie visible, semblable à une écharde, pour ensuite désinfecter la plaie.

Voyage douloureux

Deux jours plus tard, madame, son conjoint et leur fillette s'envolaient vers la Barbade pour le long congé de Pâques. À sa descente d'avion, madame soutient s'être sentie mal et fiévreuse. Quelques heures plus tard, elle était recroquevillée au sol dans la chambre d'hôtel, délirante, prise de vomissements et de coliques. Sa main droite était enflée. Transportée à l'hôpital, elle dit être restée dix jours dans un état critique aux soins intensifs, maintenue dans un coma artificiel, et ne pouvant respirer par elle-même. Pendant cette période, elle a subi des chirurgies pour enlever les tissus nécrosés de sa main et du bras droit. L'analyse des cultures prélevées aurait permis de diagnostiquer qu'elle soufrait d'une «fasciite nécrosante à streptocoque», et qu'elle était atteinte de la bactérie streptococcus iniae. Mme croit que c'est la crevette qui était contaminée par cette bactérie.

«Cette bactérie s'est attaquée à la chair de la main et du bras droit de la demanderesse et de façon virulente et fulgurante, elle s'est propagée à ses autres organes vitaux, tels le coeur, les reins et les poumons, entraînant la demanderesse vers une mort certaine si rien n'était fait. Queen Elisabeth hospital (de Bridgetown) détenait l'antibiotique spécifique pour éliminer la bactérie et il fut administrée par intraveineuse à la demanderesse ce qui lui sauva la vie», peut-on lire dans la requête.

N'empêche qu'à son retour, madame a dû subir des interventions pour la reconstruction de sa main droite incluant une greffe de peau. Pendant sept mois, elle a dû se soumettre à divers traitements, pour ensuite faire des exercices de réhabilitation pendant une autre année. Elle affirme être restée avec des cicatrices et des limitations importantes qui compliquent ou empêchent la manipulation des objets. Elle ne peut plus exercer ses anciennes fonctions en développement des affaires, soumet-elle, ni pratiquer les sports qu'elle faisait avant.

Me Jean Saint-Pierre, qui pilote cette requête, allègue dans le document que la bactérie en question se retrouve chez certains poissons et fruits de mer. Questionné par La Presse, il n'a pas voulu élaborer plus à fond, signalant que tout était dans la requête. Chez Santé Canada, on semblait un peu sceptique face à cette allégation, mais la porte-parole, Sylwia Gomes, a indiqué qu'il fallait faire des vérifications plus poussées pour s'en assurer. Selon l'organisme gouvernemental, on recense de 90 à 200 cas de fasciite nécrosante chaque année au Canada, dont 20 à 30 se concluent par des décès.

«L'infection à bactérie mangeuse de chair peut être causée par plusieurs bactéries différentes, dont des streptocoques du groupe A qui sont très courants. De nombreuses personnes portent ces streptocoques dans leur gorge ou sur leur peau sans être malades,» signale-t-on chez Santé Canada.

Si l'affaire se rend à procès, on peut s'attendre à un débat d'experts, et il reviendra à un juge de la Cour supérieure par la suite, de démêler tout cela.