Après les avoir croisés devant les tribunaux pendant sept ans, c'est dans son salon que Deborah Kudzman a accueilli les représentants de Lassonde, dimanche après-midi.

Trois cadres de l'entreprise, dont le grand patron, ont été poussés jusque dans cette maison par une véritable vague de colère dans les réseaux sociaux. Appels au boycottage, critiques acerbes et attaques frontales: l'image de marque de Lassonde en a pris pour son grade toute la fin de semaine.

Depuis 2005, la propriétaire de la petite entreprise Olivia's Oasis a affronté le géant québécois des jus de fruit devant la justice pour continuer à vendre ses savons à l'huile d'olive sous le nom qu'elle avait choisi. Industrie Lassonde, qui commercialise les jus Oasis, ne l'entendait pas ainsi: selon l'entreprise, Deborah Kudzman usurpait sa marque de commerce.

Après avoir gagné sur le fond de l'affaire, Olivia's Oasis et sa propriétaire n'ont toutefois pas réussi à se faire rembourser leurs frais d'avocats. La Cour d'appel du Québec a jugé que la bataille judiciaire lancée par Lassonde n'était pas abusive.

Une entente «satisfaisante»

Si Mme Kudzman ne veut pas dévoiler les détails de l'entente financière conclue dimanche, elle s'en dit néanmoins «satisfaite». Elle explique que la somme obtenue équivaut au moins aux 125 000$ que la Cour supérieure lui avait accordés en 2010. Un tribunal supérieur a ensuite invalidé le jugement.

«Ça s'est bien passé», a-t-elle indiqué par téléphone, manifestement soulagée. «J'espère réellement pouvoir mettre ça derrière moi et continuer.»

Pour Deborah Kudzman, la vague d'appuis des internautes montre que les géants commerciaux ne peuvent plus agir en toute impunité sans que les consommateurs se fassent entendre.

«C'est très rassurant de savoir que ce n'est plus comme avant pour les PME. Les grandes compagnies ne peuvent plus se cacher derrière leur conseil d'administration et leurs avocats», a-t-elle indiqué.

En soirée hier, Lassonde s'est elle aussi dite satisfaite du dénouement de l'affaire.

«Nous sommes heureux que nos récentes démarches nous aient permis d'arriver à une entente à l'amiable», a indiqué l'entreprise dans un communiqué de presse. «Notre intention n'a jamais été de nuire à une autre entreprise québécoise.»

Lassonde a refusé d'accorder une entrevue à La Presse.

Un véritable raz-de-marée

Toute la fin de semaine, une véritable armée d'internautes ont pris Facebook et Twitter d'assaut pour faire connaître leur colère à la grande entreprise.

«Vous devriez avoir honte! Je trouve tout simplement effrayante l'arrogance dont votre entreprise a pu faire preuve dans cette affaire. J'espère qu'un jour vous subirez autant de stress que vous avez su en donner à Madame Kudzman», écrit par exemple Guy Fortier, un internaute de Terrebonne.

«Le mal est fait: d'une entreprise dont nous aimions les produits, nous passons à une entreprise pour laquelle nous n'aurons aucun respect», analyse pour sa part Carl Langlois, de Sorel-Tracy.

En fin de soirée, la page Facebook de l'entreprise recevait plus d'un commentaire à la minute, presque tous négatifs.

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Chronologie d'une controverse

5h L'article Pas touche au mot «oasis» est mis en ligne sur LaPresse.ca le samedi 7 avril. Les abonnés du journal La Presse le recevront peu après sur le pas de leur porte.

9h Un internaute ouvre le bal sur la page Facebook de Lassonde. Les commentaires se multiplieront dans les heures qui suivent.

13h L'article «Pas touche au mot "oasis"» dépasse le cap des 1000 partages sur Facebook. À 14h30, le mot-clic #Oasis est le plus utilisé à Montréal.

17h Lassonde reconnaît l'ampleur de la vague de mécontentement sur sa page Facebook. À 18 h, le message de l'entreprise est mal accueilli par les internautes. En quelques dizaines de minutes, plus de 100 réponses négatives sont mises en ligne.

20h30 Lassonde plie. «C'est avec diligence, respect et dignité que Lassonde compte dédommager adéquatement madame Kudzman», écrit l'entreprise sur sa page Facebook.