SNC-Lavalin s'est retrouvée une fois de plus dans la tourmente, vendredi. Des enquêteurs de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ont fait une perquisition au siège social de la firme de génie-conseil, au centre-ville de Montréal.

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Vers 10h15, une douzaine de policiers ont envahi la tour de bureaux, située au 455, boulevard René-Lévesque Ouest, selon un témoin. D'autres membres de la GRC se sont ajoutés par la suite.

Le porte-parole de la GRC, Marc Ménard, n'a pas voulu donner de détails sur les motifs de la perquisition. Toutefois, le 26 mars, la GRC avait confirmé faire enquête sur SNC-Lavalin lorsque l'entreprise avait révélé l'existence de mystérieux paiements de 56 millions pour des projets à l'international. Le PDG, Pierre Duhaime, avait alors dû quitter l'entreprise.

À la Bourse, vendredi, l'action de la firme de génie-conseil a perdu 4,2%, et a clôturé à 38,40$. Le titre a décroché dès la publication de la nouvelle sur LaPresse.ca, vers midi. L'action a perdu plus de 28% depuis que SNC-Lavalin est entrée dans la tourmente, au début du mois de février.

Vendredi, c'est par un courriel de la direction des communications que les employés ont été avisés, vers 11h30, qu'ils devaient quitter la tour de 21 étages. À la sortie du bâtiment, les employés avaient peu d'information sur la perquisition et ne voulaient pas faire de commentaires. La Presse a toutefois appris que les principaux dirigeants de l'entreprise ont été interrogés dans des bureaux fermés pendant que les employés ont été sommés de quitter les lieux.

Anciens dirigeants visés

Dans un communiqué, SNC-Lavalin écrit que «le mandat concerne une enquête sur certains individus qui ne sont pas ou plus à l'emploi de la Société». Le géant de l'ingénierie québécois a admis le mois dernier avoir perdu la trace des paiements de 56 millions de dollars versés à des agents intermédiaires pour deux projets dont elle a refusé de révéler la teneur.

Ces paiements avaient été approuvés par Riadh Ben Aïssa, ancien patron de SNC-Lavalin en Afrique du Nord, qui a été limogé le 9 février. Un vice-président aux finances, Stéphane Roy, a quitté la firme au même moment.

SNC-Lavalin avait alors laissé entendre que les deux hommes n'avaient pas respecté le code d'éthique de l'entreprise dans la conduite de leurs affaires. Joint au téléphone, l'avocat criminaliste de M. Ben Aïssa, Michael Edelson, n'a pas voulu faire de commentaires. Il n'a pas été possible de parler à Stéphane Roy ni à son avocate, Isabel Schurman.

Riadh Ben Aïssa avait tissé des liens étroits avec l'ancien régime de Mouammar Kadhafi, en Libye, où SNC-Lavalin a décroché des contrats valant des milliards de dollars avant la révolution de février 2011. Toutefois, la firme ne croit pas que les paiements suspects soient liés à ses projets en Libye.

Le PDG de la firme, Pierre Duhaime, s'est retrouvé au coeur du scandale financier quand SNC-Lavalin a révélé, le 26 mars, qu'il avait lui-même autorisé ces paiements.

En donnant ce feu vert, M. Duhaime avait contourné le responsable des finances de SNC-Lavalin International, qui s'opposait à ces paiements hautement irréguliers. M. Duhaime a remis sa démission le 26 mars. Il a reçu une indemnité de départ de 4,9 millions. SNC-Lavalin assure qu'elle «collabore pleinement à toute enquête relative à ce dossier ou à toute autre et entend répondre à toutes demandes des autorités. Étant donné qu'une enquête est en cours, SNC-Lavalin ne sera pas en mesure pour le moment de commenter davantage la situation».

Ce n'est pas la première fois que des enquêteurs de la GRC exécutent une perquisition chez SNC-Lavalin. Le 1er septembre 2011, des enquêteurs ont fouillé les bureaux torontois de la firme. Les policiers recherchaient des documents pouvant faire avancer leur enquête sur une affaire de corruption au Bangladesh. Une équipe d'avocats, d'enquêteurs et d'analystes chargée de scruter les projets financés par l'organisme international avait tiré la sonnette d'alarme sur ce projet de construction d'un pont d'une valeur de 1,2 milliard de dollars. Il y a deux semaines, SNC-Lavalin a indiqué que sa filiale au Bangladesh a été écartée temporairement des appels d'offres sur les nouveaux projets de la Banque mondiale, en raison de cette affaire de présumés pots-de-vin.

- Avec la collaboration d'Isabelle Audet