Une quarantaine d'agents et d'enquêteurs de la Sûreté du Québec, rattachés à l'escouade Marteau, ont mené des perquisitions dans les bureaux du Groupe d'ingénieurs Roche à Montréal et à Québec, mercredi, à la suite d'allégations de fraudes et d'abus de confiance dans le domaine de la construction.

«Il s'agit d'une autre phase d'enquête qui touche les événements survenus dans la couronne nord de Montréal», s'est contentée de déclarer Martine Isabelle, porte-parole de la SQ. Plusieurs sources affirment que les perquisitions portent sur un contrat accordé par la Ville de Boisbriand pour l'agrandissement de son usine d'épuration des eaux.Les plans de cet agrandissement ont été dessinés par les ingénieurs du Groupe-conseil Roche. La construction a été réalisée par Infrabec, de l'homme d'affaires Lino Zambito, seule firme à avoir répondu à l'appel d'offres. Au cours des derniers mois, des perquisitions se sont déroulées à la Ville de Boisbriand et chez Infrabec. Au départ, le contrat était évalué à environ 16 millions de dollars, mais les coûts ont doublé, passant à près de 38 millions.

Les policiers se sont présentés à 7h30 aux locaux de Roche à Montréal, situés au 15e étage de la tour Telus, boulevard René-Lévesque, et au siège social de la firme, chemin des Quatre-Bourgeois, à Québec. L'entreprise a diffusé un communiqué, soutenant qu'elle n'avait aucune information.

«Roche ltée, Groupe-conseil, assure qu'elle collabore avec les policiers de la Sûreté du Québec dans le cadre de la perquisition en cours, indique le communiqué. Roche ne dispose d'aucune information sur les raisons de cette opération. Par ailleurs, Roche tient à souligner que les principes qui orientent ses actions sont basés sur l'intégrité, la ri- gueur, ainsi que le professionnalisme et le savoir-faire de ses employés.»

«Roche ltée est une société canadienne établie au Québec depuis 1963 et compte plus de 1400 employés à travers le monde, dont la majorité au Québec», ajoute le communiqué.

Les dirigeants de Roche cultivent les bonnes relations avec les maires et les partis politiques, notamment avec le Parti libéral du Québec (PLQ). L'un de ses cadres, Gilles Cloutier, a ainsi été patron d'honneur au tournoi de golf de l'ancien maire de Boisbriand, Robert Poirier, en 2004. Le ministre provincial de l'Emploi et de la Solidarité sociale, Sam Hamad, est un ancien vice-président du Groupe Roche. Il avait été encouragé à se présenter aux élections sous la bannière libérale par Marc-Yvan Côté, qui avait suivi le cheminement inverse.

Organisateur pour le Parti libéral, M. Côté a été ministre des Transports et ministre de la Santé. Après sa démission, il est devenu vice-président du développement des affaires chez Roche. Depuis quelques années, il est administrateur chez Pluritec, l'une des nombreuses sociétés affiliées à Roche.

Les dirigeants et les conjointes des dirigeants de Roche et de leurs filiales ont donné plus de 60 000$ au PLQ pendant les années 2006, 2007 et 2008. (Des dons ont aussi été faits au Parti québécois, mais de façon beaucoup moins importante.) Claude Drouin, ancien chef de cabinet au ministère des Transports et ancien candidat libéral, a atterri chez Roche.

La firme avait déjà fait l'objet de perquisitions en 2002. Quelque 200 agents de Revenu Canada avaient fouillé les bureaux de Montréal, de Québec et d'autres villes de la province, mais cette démarche n'avait abouti à aucune accusation.

Aucune arrestation n'a été faite mercredi. Deux policiers sont restés assis pendant une bonne partie de la journée de chaque côté de la porte vitrée à l'entrée de la société, à Montréal.

Même scénario à Québec. Les membres de l'escouade Marteau, spécialisée dans l'enquête sur la construction, ont épluché les dossiers pendant des heures. Des techniciens en scènes de crimes prenaient des photos.