«C'est une famille complète qui disparaît. J'ai beaucoup de peine et de misère à m'exprimer...» Debout dans la cuisine de sa maison de Saint-Hyacinthe, Louisette Charbonneau encaisse durement la perte de sa fille Line, de son gendre Richard Préfontaine et de ses deux petites filles Anaïs et Amélie.

Les corps des membres de cette famille de Saint-Jude ont été retrouvés hier soir dans les ruines de leur maison du rang Salvail Nord, qui s'est affaissée lundi dans un important glissement de terrain.

Après le choc et l'espoir, le deuil s'amorce chez les proches des disparus.

Plusieurs d'entre eux étaient rassemblés ce matin chez Louisette Charbonneau et son mari Gabriel. Les yeux rougis, les traits fatigués, ils se préparaient à se rendre à une réunion de famille, entre autres pour organiser les funérailles.

L'impuissance et le désarroi se lisaient sur le visage des proches réunis dans la cuisine. Un vase avec un bouquet de fleurs trônait au centre de la table. «Bonne fête des mères», peut-on lire sur la petite carte, signée par la famille décimée.

Tous n'ont que de bons mots pour Richard Préfontaine et les siens, chez qui de grosses bouffes en famille étaient souvent organisées. Louisette Charbonneau était très proche de sa fille, ses petites filles et de son gendre Richard, décrit comme un bon vivant, très habile de ses mains. «C'est un gros morceau de notre famille qui vient de disparaître», laisse tomber Mme Charbonneau.

À côté d'elle, son fils Richard Charbonneau, le frère de Line, louange les talents de menuisier de Richard Préfontaine, qui a monté de A à Z la maison emportée. Aidé par son père, M. Préfontaine a utilisé le bois de son propre terrain pour construire sa coquette demeure en 1995.

Richard Préfontaine, un électricien de Saint-Hyacinthe, se préparait d'ailleurs à loger son père chez lui en fin de semaine. Ce dernier habite un peu plus loin sur le rang Salvail. À notre passage, il n'y avait personne à l'intérieur, sauf des boîtes empilées dans toutes les pièces et une montagne de déchets au bord du chemin.

L'accès au trou béant d'environ 1 kilomètre de long provoqué par le glissement de terrain était toujours interdit d'accès ce matin. À quelques mètres, une pelle mécanique creusait la chaussée. Des réparations pour rétablir la ligne téléphonique rompue dans certains foyers.

Les gens qui habitaient les cinq maisons évacuées lundi après le glissement de terrain ont pour leur part pu rentrer chez eux.

À Saint-Jude, le drame est sur toutes les lèvres aujourd'hui. Au casse-croûte chez Loulou, au coeur du village, plusieurs clients attablés à l'heure du diner feuilletaient les différents journaux, qui rapportaient la tragédie en manchette. «Pas besoin de connaître les victimes pour être touchés par un événement de même. On pense toujours que ça arrive ailleurs», soupire Sylvain Guimond. Il admet avoir eu du mal à consoler sa fille âgée de 11 ans, durement éprouvée par l'affaire. Cette dernière avait très peur d'aller dormir au sous-sol hier soir, hantée par les événements, souligne M. Guimond.

Le deuil s'amorçait également à l'école aux Quatre-Vents, où était inscrite la petite Anaïs, 9 ans et sa soeur Amélie avant elle. La directrice de l'établissement Chantal Gascon, a assuré que plusieurs mesures étaient en place pour épauler les élèves et le personnel. Des psychologues et autres spécialistes ont été dépêchés sur place pour permettre à tout le monde de ventiler. Mme Gascon dit conserver d'excellents souvenirs des fillettes - des enfants très aimables - et de leurs parents, notamment le père, Richard, impliqué dans le comité d'établissement.

Le conseiller municipal Christian Vanasse parle aussi d'une lourde perte, puisque la famille était très engagée dans la communauté.

«Beaucoup de questions»

Le conseiller admet que le drame peut engendrer des craintes chez les habitants de Saint-Jude, mais que les risques, quoique faibles, étaient connus. «Il n'y a pas de panique aujourd'hui, mais beaucoup de questions», explique M. Vanasse. Des géologues et des employés de la Sécurité civile évalueront si des actions peuvent être menées pour empêcher qu'un tel drame se répète. Il faudrait à ses yeux planter des arbres en bordure de la rivière Salvail nord pour prévenir l'érosion.

Quant à la route, il faudra selon lui patienter plusieurs mois avant de l'emprunter à nouveau. «Mais on n'a pas le choix de la reconstruire, elle mène à deux municipalités», souligne M. Vanasse.

Un peu plus loin sur le rang, s'élève la maison de Denise Langelier, en bordure du ruisseau Salvail Nord, montré doigt comme étant la source de l'érosion qui a entraîné l'affaissement du sol argileux. Cette voisine n'a pas l'intention de céder à la panique. «C'est sûr que c'est inquiétant, mais on traverse la rue et on peut se faire frapper n'importe quand», philosophe Mme Langelier. «Si des experts peuvent prévoir de tels drames et évaluer un pourcentage de risques, on avisera. Sinon...»