Une femme de 50 ans à bord de son véhicule a été prise pour cible par un tireur embusqué, vendredi matin, sur une rue résidentielle de l'arrondissement Côte-des-Neiges/Notre-Dame de Grâce. Selon nos informations, la victime -qui s'en est sortie indemne- serait la femme de l'entrepreneur en construction Tony Magi, soupçonné d'entretenir des liens avec la mafia italienne.

Il était environ 8h40 lorsque l'incident est survenu. Selon nos informations, la femme de 50 ans, qui serait propriétaire d'une garderie du secteur, quittait sa résidence de l'avenue Beaconsfield à bord de sa voiture, à quelques mètres de la scène de l'agression. À l'intersection de l'avenue Somerled, un suspect âgé d'une vingtaine d'années a alors surgi entre deux véhicules garés pour faire feu à au moins une reprise en direction de la voiture de la victime. «La femme a pris la fuite et s'est rendue au poste de police situé à proximité. Elle n'a subi aucune blessure, mais elle a été ébranlée», a raconté l'agent Daniel Lacoursière du Service de police de la Ville de Montréal. Selon nos informations, la voiture n'aurait subi aucun dommage. Toujours selon nos sources, le tireur ou son commanditaire voulait peut-être tout simplement faire passer un message à Tony Magi en commettant cette agression contre son épouse.

Le suspect a pour sa part pris la fuite à pied. Les policiers ont érigé un périmètre de sécurité sur l'avenue Beaconsfield. Des enquêteurs de la Division du crime organisé et des crimes majeurs ont été dépêchés sur place. Au moins une douille a été retrouvée jusqu'ici et des policiers font du porte-à-porte dans le voisinage à la recherche de témoins.

La police tente de comprendre pourquoi la victime s'est retrouvée dans le collimateur du tireur et demeure prudente sur son identité, puisque l'enquête s'amorce à peine. «Quelle est la base de cette agression? La victime était-elle ciblée? C'est ce que l'enquête va déterminer», a souligné l'agent Lacoursière.

La proximité de la résidence cossue de l'homme d'affaires Tony Magi et le lien de la dame avec ce dernier laisse cependant peu de place aux spéculations.

Tony Magi a fait les manchettes à plusieurs reprises au cours de la dernière année. Il a été remis en liberté, contre une caution de 25 000$, après avoir été arrêté en possession d'armes à feu. L'homme d'affaires de 50 ans, qui n'avait pas d'antécédents, avait été épinglé en compagnie de quelques individus au cours d'une rafle policière. Durant l'opération, les policiers avaient saisi des armes à feu, des munitions et des vestes pare-balles à plusieurs endroits.

En décembre 2009, Niccolo Rizzuto Jr., le fils du chef présumé de la mafia montréalaise avait été abattu à proximité des locaux de Construction FTM, l'entreprise qui appartient à la famille Magi.

Quelques mois plus tard, le gangster Ducarme Joseph était arrêté avec ses deux gardes du corps devant l'entreprise. L'ancien chef du gang de rue des 67 venait d'échapper à un attentat sanglant qui a fait deux morts à sa boutique de vêtements du Vieux-Montréal.

Selon la police, Tony Magi entretiendrait des liens avec la mafia italienne, ce que le principal intéressé a toujours nié. Avant sa mort, le petit-fils du patriarche, Nicolo Rizzuto était vraisemblablement impliqué dans deux projets immobiliers avec Magi.

Il y a quelques jours, la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) a refusé d'accorder un permis pour l'ouverture d'un bar dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce, inquiète de la présence de Tony Magi parmi les promoteurs.

Magi a par ailleurs échappé à une tentative de meurtre en 2008, après avoir été atteint par balle au volant de son véhicule. Grièvement blessé, Magi avait passé six mois à l'hôpital. Il a embauché des gardes du corps après avoir obtenu son congé.

Instabilité

Selon nos informations, Magi craindrait pour sa vie et serait présentement brouillé avec une faction de la mafia italienne, qui est divisée.

Plusieurs attentats contre plusieurs grosses pointures du clan Rizzuto ont fait couler du sang et beaucoup d'encre depuis un peu plus d'un an, à commencer par le meurtre en novembre de Nicolo Rizzuto, dit «le vieux Nick», assassiné par un tireur d'élite alors qu'il était dans sa maison en compagnie de ses proches.

Cet affront au code d'honneur mafieux marquait en quelque sorte la fin du règne du clan sicilien à Montréal, dont la plupart des joueurs importants sont morts, disparus ou emprisonnés. C'est le cas du parrain Vito Rizzuto, détenu aux États-Unis pour un triple meurtre survenu au début des années 80 à New York.

Sans oublier, Paolo Renda, consigliere de la famille, vraisemblablement enlevé en mai près de chez lui. L'homme de 70 ans, gendre et voisin de Nicolo Rizzuto, était au volant de sa voiture la dernière fois qu'il a été vu. Son véhicule a été retrouvé devant la résidence d'un voisin. La clé était toujours dans le contact.

Un autre ponte du clan, Agostini Cuntrera, est quant à lui tombé sous les balles d'un tueur en juin, en plein jour, devant son commerce de distribution alimentaire, à Saint-Léonard. Son garde du corps, Liborio Sciascia, 40 ans, a aussi été tué. Cuntrera était désigné comme l'un des successeurs de Vito Rizzuto.

Ces agressions contre les hommes forts du clan Rizzuto et les nombreux attentats au cocktail Molotov dans des cafés italiens illustreraient l'instabilité qui règne actuellement dans la mafia montréalaise.

Le Service de police de la Ville de Montréal n'écarte aucune piste pour expliquer les attentats dirigés contre le clan Rizzuto. Un conflit entre l'ancienne et la nouvelle garde chez les mafiosi? Purge interne? Riposte du clan calabrais qui veut reprendre le pouvoir perdu il y a plus de 30 ans aux mains des Siciliens? Toutes les hypothèses sont encore étudiées.

Photo: Patrick Sanfaçon, La Presse

Des enquêteurs de la Division du crime organisé et des crimes majeurs ont été dépêchés sur place. Au moins une douille a été retrouvée jusqu'ici.