Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) est catégorique: les grenades assourdissantes et irritantes tant décriées depuis l'événement qui pourrait coûter un oeil au cégépien Francis Grenier sont bien moins dangereuses que la traditionnelle matraque pour disperser une foule qui résiste aux policiers.

Chose rare, le SPVM a convié les médias, mercredi, pour expliquer ce qui, selon lui, justifie l'emploi d'une force croissante dans le cadre de manifestations et pour dévoiler plusieurs pièces de son arsenal. On dit vouloir ainsi démystifier les opérations policières à l'occasion de rassemblements du genre.

Selon l'inspecteur-chef Alain Bourdages, ces armes servent à «éviter des blessures avant l'utilisation des bâtons».

«Nous les utilisons depuis 2008. Ça fait suite aux manifestations de Montréal-Nord au cours desquelles nous n'avions utilisé que les bâtons. Le continuum de l'utilisation de la force du Québec recommande que nous utilisions des éléments moins dangereux, comme les irritants chimiques», explique-t-il.

En matière d'usage de la force, on a précisé que le groupe d'intervention n'entre en jeu qu'une fois que les policiers du quartier où se déroule une manifestation ont tenté, sans succès, de disperser la foule après qu'un avis d'éviction a été lu.

Le 7 mars, on a estimé qu'à la suite d'un blocus de 50 minutes de la tour du 500, rue Sherbrooke Ouest après qu'une clôture a été érigée par les manifestants et que des bouteilles, des pierres et des morceaux de glace ont été lancés aux agents, il était temps de faire appel au groupe d'intervention.

Les hommes vêtus d'une lourde armure se sont avancés vers la foule en tapant leur bouclier de leur bâton en criant «bouge, bouge, bouge», une tactique servant à démontrer aux manifestants qu'il est temps de partir.

Si cette approche se heurte à une résistance active, entre alors en jeu l'arsenal spécialisé.

Le 7 mars, après avoir lancé 37 jets de gaz irritant CS sur les manifestants, les agents ont lancé neuf «rubber ball grenades», des petits engins assourdissants en caoutchouc ressemblant à des grenades militaires, lancés pour exploser au-dessus d'une foule.

Cela crée de la désorientation et une interruption du mouvement chez certains manifestants, et les policiers y voient une occasion d'avancer plus rapidement et avec plus de fluidité. Un «blast disperser», sorte de canette qui dégage du gaz irritant CS en explosant, a aussi été lancé.

Est-ce ce fameux projectile argenté que Francis Grenier dit avoir aperçu un instant avant de le recevoir au visage?

La police dit ne pas pouvoir le préciser et mène une enquête.

Implosion

Le SPVM insiste pour dire que ces bombes n'explosent pas, mais qu'elles implosent plutôt en ne dégageant aucun souffle pouvant causer des blessures.

«Depuis que nous utilisons ces outils, un seul autre cas de blessure que celui de Francis Grenier nous a été rapporté. C'était une rubber ball grenade. Un des morceaux de caoutchouc, en retombant, a frappé les lunettes d'un manifestant. Ça lui a causé une ecchymose au-dessus de l'oeil», précise l'inspecteur-chef Alain Bourdages.

Ces armes pourraient de nouveau servir ce soir, lors de la manifestation annuelle du Collectif opposé à la brutalité policière (COBP), qui démarrera au parc Émilie-Gamelin à 17h.

«Treize des quinze manifestations du COBP dans le passé ont débordé, pour se conclure par des arrestations de masse et la commission de méfaits», note Alain Bourdages.

Il invite les étudiants et cégépiens qui seront tentés d'y prendre part à se dissocier des habituels «casseurs» et à les dénoncer.

Il indique que ces casseurs profitent de la foule pour s'adonner à leurs méfaits.

«S'ils se retrouvent à nu, ils se calmeront», conclut-il.

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Dans l'arsenal

Rubber ball grenade

Faite de caoutchouc, elle est lancée au-dessus de la foule et explose une première fois après 1,5 seconde, pour expulser à 1 mètre les quelques éléments métalliques qu'elle contient et éviter qu'ils soient projetés par l'explosion principale, qui survient une demi-seconde plus tard. Un «boum» de 175 décibels se fait entendre, et

26 grammes de gaz irritant CS retombent au sol.

Blast disperser

Cet engin ressemble à une canette de boisson gazeuse. Lui aussi explose au-dessus de la foule. Son bruit est trois fois plus faible que celui de la rubber ball grenade, mais il contient 90 grammes de gaz irritant CS, dont l'effet est similaire à celui du gaz poivre, mais de courte durée. Les ciselures dans le contenant, fait d'acier très mince, font qu'il s'éventre sans rejeter de pièces métalliques.