Le gouvernement fédéral compte en appeler de la décision de la Cour fédérale qui invalidait les conclusions défavorables du commissaire John Gomery envers l'ancien premier ministre Jean Chrétien et son proche collaborateur Jean Pelletier dans son rapport de novembre 2005 sur le scandale des commandites.

La décision d'interjeter appel dans cette affaire devrait être confirmée aujourd'hui par le bureau du Conseil privé, a appris La Presse hier de sources sûres. Les autorités fédérales ont d'ailleurs jusqu'à aujourd'hui, le 26 septembre, pour prendre une décision dans ce dossier.

 

Étant donné que la date limite tombe en pleine campagne électorale, la décision d'interjeter appel a été prise par le ministère de la Justice afin de permettre au parti politique qui sera élu le 14 octobre de prendre une décision définitive à cet égard. D'ores et déjà, il appert que cette décision sera maintenue si les conservateurs de Stephen Harper sont reportés au pouvoir, comme le laissent entendre tous les sondages depuis le déclenchement des élections le 7 septembre.

Joint hier, le juge à la retraite John Gomery s'est dit satisfait de voir le gouvernement fédéral porter l'affaire en appel. «Ce n'est pas une surprise parce que je savais déjà que c'était la recommandation des avocats concernés du gouvernement de porter la matière en appel. Cela a été communiqué à mes propres avocats. Je suis intéressé de voir la division d'appel de la Cour fédérale regarder l'affaire. Je suis content parce que je voulais que la cause soit portée en appel», a-t-il affirmé.

Dès la publication du rapport du commissaire Gomery en novembre 2005, Jean Chrétien et Jean Pelletier avaient annoncé leur intention de contester les conclusions du rapport à leur endroit. Devant les tribunaux, les deux hommes ont affirmé que le juge à la retraite Gomery avait manqué de partialité.

En juin, le juge Max Teitelbaum de la Cour fédérale leur a donné raison dans deux décisions distinctes de plus de 50 pages chacune. Résultat: le juge a écarté une conclusion qui indiquait que les deux hommes devaient être blâmés pour des omissions dans la surveillance du programme de commandites et qu'ils étaient responsables de sa mauvaise gestion. «Lorsqu'on considère cumulativement les commentaires faits par le commissaire, ceux-ci dénotent non seulement qu'il a préjugé de certaines questions, mais aussi qu'il n'a pas été impartial» envers Jean Chrétien et Jean Pelletier, avait écrit le juge Teitelbaum.

«Les déclarations du commissaire indiquent que, pendant qu'il dirigeait les audiences et avant d'avoir entendu la totalité de la preuve, il est arrivé à des conclusions au sujet de questions sur lesquelles il devait faire enquête et rapport», ajoutait le magistrat.

Le juge Teitelbaum faisait ainsi allusion à une série d'entrevues accordées à des journalistes, en décembre 2004, au moment où les travaux de la commission étaient suspendus pour les Fêtes, après trois mois d'activités et alors qu'il y en avait six autres à venir.

Ainsi dans le quotidien Ottawa Citizen du 16 décembre 2004, le commissaire Gomery affirmait: «J'arrive à la même conclusion que la vérificatrice générale Sheila Fraser, à savoir qu'il s'agissait d'un programme gouvernemental qui a été mené de manière catastrophique.»

Mais le commentaire le plus accablant, selon le juge le juge Teitelbaum, avait été publié dans le quotidien The Globe and Mail: «C'est tellement décevant que le premier ministre ait fait inscrire son nom sur les balles de golf. C'est vraiment une attitude villageoise, vous savez, offrir des balles de golf gratis.»

Toutefois, le même juge a rejeté au début du mois la requête de l'ancien ministre libéral Alfonso Gagliano visant à renverser les conclusions émises à son sujet dans le même rapport. Le juge Teitelbaum a rejeté les prétentions de l'ancien ministre des Travaux publics selon lesquelles il avait été victime de favoritisme et de procédures déloyales.

Dans son rapport, John Gomery avait notamment conclu que M. Gagliano jouait un rôle direct dans les décisions visant à subventionner des événements et des projets à des fins partisanes plutôt que dans un souci d'unité nationale.

Jusqu'ici, le ministère de la Justice a dépensé quelque 260 000$ pour défendre les conclusions du commissaire John Gomery devant les tribunaux.

Avec William Leclerc