Les Québécois ont un «problème d'engagement». Ce sont des profiteurs. Ils prennent le Canada pour un «guichet automatique». Ils ont un «blocage mental». Ils sont obnubilés par leur «dogme collectiviste». Et le drapeau du Québec, le temps d'un éditorial dans le National Post, devient «le drapeau de Maurice Duplessis».

Depuis les dernières élections fédérales, le Québec essuie un tir particulièrement nourri de critiques, particulièrement du Globe and Mail et du National Post.

Le 16 octobre, Margaret Wente, chroniqueuse au Globe and Mail, a joué les Louise Deschâtelets et écrit toute sa chronique sous la forme d'un courrier du coeur. L'amoureux éconduit écrit avoir couvert d'argent sa belle, lui avoir donné un siège à l'UNESCO, l'avoir accompagnée à l'opéra, au théâtre «et à tous ces galas de riches que je déteste». En vain. Rembarré, le gars. La courriériste lui demande alors si sa flamme n'aurait pas des difficultés à s'engager. «Peut-être ne fait-elle que vous utiliser. Avez-vous tous les deux songé à vous séparer?»

Perdu d'avance

Deux jours plus tard, dans le même journal, Jeffrey Simpson concluait sa chronique intitulée «Quebeckers' mental Bloc» en demandant pourquoi Ottawa, après six victoires bloquistes, «devrait continuer à jouer à un jeu perdu d'avance».

En entrevue, Jeffrey Simpson se défend bien d'avoir fait là un appel à la séparation mais ne cache pas qu'il est «frustré». Frustré parce que, de Wilfrid Laurier à Gilles Duceppe en passant par Pierre Elliott Trudeau, les Québécois, quand ils en ont la possibilité, votent toujours pour un Québécois. Or, Stephen Harper ne l'est pas, et tout indique que les libéraux iront au front la prochaine fois avec un non-Québécois (Bob Rae, Michael Ignatieff ou Frank McKenna). Bref, pour encore un bout de temps, ça risque d'être Bloc ou rien, analyse-t-il.

Racistes, les Québécois?

Racistes, alors, les Québécois, à votre avis? «C'est vous qui utilisez le mot raciste, pas moi. Moi, je dis tout simplement que l'histoire nous démontre que, chaque fois que les Québécois ont eu le choix entre un parti dirigé par un Québécois et un non-Québécois, ils ont toujours opté pour le Québécois.»

Reproduite dans l'internet, la chronique de Simpson a suscité une conversation nationale. Une vraie. Plus de 450 commentaires.

Là-dessus, beaucoup, beaucoup de Québécois, des Canadiens anglais et même un gars de New Delhi (un Canadien exilé là-bas ?) qui y va de trois suggestions. Le Québécois, écrit-il, c'est : a) un Tanguy qui vit aux crochets de ses parents et mange les tartes de maman sans rien donner en retour ; b) le frère aîné de l'enfant prodigue qui menace de partir à son tour s'il ne reçoit pas plus ; c) l'épouse infidèle qui reste avec son mari pourvoyeur tout en refusant de partager son lit ou ses responsabilités familiales.

L'image de la femme difficile pour décrire le Québec est récurrente. Pourquoi le Québec est-il une femme ? demande-t-on à Brian Gable, caricaturiste au Globe and Mail. «Bonne question! lance-t-il en rigolant. C'est vrai qu'ici, quand on pense au Québec, on pense à sa culture, à sa sensibilité, des caractéristiques qu'on associe spontanément aux femmes. Et j'ai bien l'impression que quand les Québécois ferment les yeux et pensent au Torontois typique, ils pensent à un homme d'affaires pas très sensuel et un peu ennuyeux!»

Des profiteurs

Du côté du National Post, ces dernières semaines, les Québécois sont abondamment dépeints comme des gens «qui ont appris que l'argent, c'est quelque chose que l'on reçoit du fédéral, pas quelque chose que l'on gagne soi-même», écrit Barbara Kay.

Mais à l'en croire, le fédéral n'en donne pas tant que ça au Québec puisqu'elle écrit, quelques

paragraphes plus haut : «Ouais, ouais, le Québec est une société qui sait partager, sauf que dans les autres provinces comme l'Alberta et l'Ontario, on partage la richesse, pas la pauvreté.» «Le Québec est un échec économique, mais la majorité des Québécois ne le savent pas», écrit encore Mme Kay.

La grande noirceur que le Québec, dixit Kay, où les intellectuels sont frappés d'ostracisme dès lors «qu'ils ne font pas leur profession de foi dans le "modèle québécois" socialiste ».

Gilles Duceppe, dont le National Post dit qu'il se drape dans le «drapeau de Maurice Duplessis», sent-il une petite hostilité en dehors du Québec? Non, pas vraiment, dit-il en soulignant l'appui qu'il a reçu de Margaret Atwood et les bons rapports qu'il a eus avec les travailleurs canadiens de l'automobile.

«Quand je suis en vacances, les Québécois me saluent et me disent qu'ils ne veulent pas me déranger, mais je dois me faire prendre en photo deux ou trois fois par jour avec des Canadiens qui me disent : "I would like a picture with you, Gilles."»

Et ce n'est pas pour jouer aux fléchettes dans leur sous-sol ? « Absolument pas ! Force est de constater qu'au Québec et au Canada, il y a une certaine distance entre les positions éditoriales des journaux et la réalité. »

En tout cas, les échos de l'Ouest, tel que décrits par John Richards, professeur de politique publique à l'Université Simon Fraser, ne sont pas très favorables. Le discours dominant, là-bas, n'est pas du tout de remercier le Bloc d'avoir empêché les conservateurs d'obtenir un gouvernement majoritaire, dit-il. «Le sentiment général, ici, c'est de dire : "Soit vous partez, soit vous restez et vous participez."»