Le PDG d'Hydro-Québec, Thierry Vandal, a «manqué de jugement» en acceptant de figurer dans une publicité de la Banque Nationale, estime le codirecteur du Centre de recherche sur la gouvernance des entreprises publiques et l'intérêt général, Luc Bernier.

Le Parti québécois est tout aussi «surpris» que le patron d'une société d'État participe à la campagne publicitaire d'une entreprise privée.

Le PDG d'une institution publique «est normalement tenu à un devoir de réserve, a expliqué hier Luc Bernier, professeur à l'ENAP. Il n'est pas censé faire la promotion d'une entreprise privée. Dans ce cas-ci, M. Vandal prend position pour une institution privée alors que les fonctionnaires sont censés défendre l'intérêt général. Il ne devrait pas avoir de préférence pour cette banque-là plutôt qu'une autre».

Dans le cadre de son 150e anniversaire, la Banque Nationale vient de lancer une publicité dans laquelle des artistes, des athlètes et des gens d'affaires lui rendent hommage. Parmi ces personnalités figure Thierry Vandal.

«C'est un héritage tellement riche. Les gens qui nous ont précédés ont fait des choses extraordinaires», affirme le PDG d'Hydro-Québec dans une publicité télévisée. Dans un autre message, il associe la Banque Nationale à des valeurs comme «la rigueur, l'éthique, la franchise et le respect». M. Vandal apparaît aussi sur des affiches et des panneaux publicitaires.

La Banque Nationale a contacté le PDG parce que Hydro-Québec est l'un de ses clients, a expliqué le directeur des relations publiques, Denis Dubé.

La société d'État défend la décision de son PDG. «M. Vandal ne reçoit aucun bénéfice personnel pour avoir participé à cette publicité-là», a affirmé son porte-parole, Marie Archambault. La Banque Nationale a donné un cachet à M. Vandal, comme le prévoient les règles de l'Union des artistes. Mais le montant de 2000$ a été versé à Centraide, a souligné Mme Archambault.

Elle ne voit «vraiment pas» de problème dans la décision de M. Vandal. «Il a participé à la publicité parce que la Banque Nationale célèbre ses 150 ans et qu'Hydro-Québec a un lien d'affaires avec cette institution depuis très longtemps.»

Du reste, a-t-elle ajouté, «il n'y a rien dans le code d'éthique qui interdit ce genre d'activités». Ni le code de conduite d'Hydro-Québec ni le code d'éthique et de déontologie de ses dirigeants ne prévoient une telle situation. Les documents indiquent que les représentants de la société d'État ont un devoir de réserve, mais essentiellement «dans la manifestation publique de leurs opinions politiques ». Le code de conduite souligne qu'il est interdit d'«impliquer l'entreprise dans une position partisane».

«Le devoir de réserve, tout dépend comment on l'interprète. Je ne peux que répéter la raison pour laquelle M. Vandal a accepté» la proposition de la Banque Nationale, a dit Mme Archambault.

Le PDG d'Hydro «n'a contrevenu à aucune règle de déontologie», estime Marie-Claire Ouellet, secrétaire générale associée au ministère du Conseil exécutif. Ce ministère, qui relève du premier ministre, veille au respect des règles éthiques par les administrateurs publics. Il n'a toutefois pas été prévenu de la démarche du PDG d'Hydro avant la mise en ondes des publicités.

L'initiative de M. Vandal en faveur de la Banque Nationale n'indispose pas le cabinet du ministre des Ressources naturelles, Claude Béchard, qui est responsable d'Hydro-Québec. «À partir du moment où il n'a tiré aucun avantage monétaire, c'est conforme au code d'éthique», a affirmé son attaché de presse, Pascal D'Astous.

Luc Bernier juge que les règles éthiques du gouvernement sont déficientes. «Je pense qu'il devrait lancer une réflexion sur cette question. Quand (des représentants de sociétés d'État) font des publicités pour des oeuvres de charité, on comprend. Mais quand ils font de la réclame dans le secteur privé, c'est autre chose», a-t-il affirmé.

Pour Marie-Claire Ouellet, la campagne de la Banque Nationale «n'est quand même pas une publicité de produit. C'est une publicité corporative pour souligner un anniversaire important».

L'argument ne tient pas, selon Luc Bernier. «La Banque Nationale travaille sur l'image, mais elle a aussi un produit à vendre. Et ça ne change rien au fait que les administrateurs de l'État, normalement, sont tenus à un devoir de réserve. C'est un manque de jugement» de la part de M. Vandal.

Le leader parlementaire du Parti québécois, Stéphane Bédard, juge que le PDG aurait dû décliner la proposition de la Banque Nationale. «Il y a une distance qu'on s'attend à ce que les dirigeants de sociétés d'État gardent par rapport à des institutions du secteur privé. La situation actuelle peut créer un problème de perception auprès de la population, mais aussi d'autres entreprises privées, qui pourraient avoir les mêmes attentes à l'égard d'Hydro-Québec», a-t-il expliqué.

Selon le député péquiste, ce n'est pas parce que les règles déontologiques n'interdisent pas nommément le geste de M. Vandal que celui-ci est acceptable. «On parle ici d'une question de jugement. S'il fallait prévoir tous les cas de figure dans les codes, ce serait compliqué».

M. Vandal aurait dû faire preuve de réserve, «surtout dans le contexte économique actuel», a-t-il ajouté.