L'homme d'affaires Laurent Gaudreau, qui a notamment participé à la production de la série Omerta, a vécu pendant deux ans une relation d'affaires particulièrement tumultueuse avec la SOLIM, bras immobilier de la FTQ.

«J'ai été sur toutes sortes de conseils d'administration, je n'ai jamais vu de telles horreurs... Souvent, en produisant Omerta, je me disais qu'on exagérait, mais la réalité dépasse la fiction», raconte-t-il dans un entretien accordé à La Presse.

Un projet de salle de spectacle dans la région de Québec est au coeur du problème. L'idée a pourtant été jugée assez sérieuse pour obtenir une subvention de 300 000$ du ministère du Tourisme du Québec.

Pilote d'hélicoptère et amateur de pêche, Laurent Gaudreau rencontre Jean Lavallée, président de la FTQ-Construction, lors d'une randonnée de pêche en Mauricie. M. Lavallée alors membre influent du conseil d'administration du Fonds de solidarité lui signifie que le fonds est disposé à cautionner le projet - une salle de spectacle permanente pouvant offrir une projection de 360 degrés et un spectacle multimédia sur la Nordicité, au pied des chutes Montmorency.

Denis Vincent, une bonne connaissance de M. Lavallée, devient alors l'intermédiaire entre la SOLIM et M. Gaudreau. Les choses vont si rondement qu'à l'automne 2007, la SOLIM verse 2,6 millions dans un compte conjoint avec les «Productions TIPI». Pendant toute l'année, Guy Gionet, président de la SOLIM, insiste pour que M. Vincent soit présent à chacune des réunions.

Un intermédiaire

Sans avoir mis un cent et sans aucune expertise dans l'immobilier ou le spectacle, Denis Vincent revendique et obtient, à la demande de la SOLIM, 30% des actions de l'entreprise, explique M. Gaudreau. M. Vincent est un habitué des voyages de pêche des dirigeants de la FTQ et une très bonne connaissance de Jean Lavallée qui a quitté, l'automne dernier, la présidence de la FTQ-Construction.

M. Vincent, aussi pilote d'hélicoptère, a déjà eu des «clients» peu recommandables. Selon des sources policières, il a déjà transporté des Hells Angels en juin 2000 du local de Trois-Rivières-Ouest à celui de Grand-Mère à l'occasion de la Saint-Jean. TQS avait filmé ce déplacement inusité.

Le porte-parole du Fonds de solidarité, le vice-président aux Communications Mario Tremblay, confirmait mardi que «M. Vincent devait devenir partenaire avec le promoteur (Gaudreau)». Il soulignait ne pas savoir qui avait demandé qu'il agisse ainsi comme intermédiaire. La SOLIM, et son président, Guy Gionet, ne veulent faire aucun commentaire compte tenu des poursuites actuellement devant les tribunaux, prévient-il.

2,6 millions «rappelés»

Laurent Gaudreau accuse maintenant une caisse populaire de «détournement de fonds» pour avoir rendu les 2,6 millions à la SOLIM sans son autorisation.

Au printemps 2008, la SOLIM annonce qu'elle ne croit plus au projet. Trois mois plus tôt, Guy Gionet, son président, avait pourtant signé un bail de 15 ans avec la Société des établissements de plein air du Québec, pour occuper ce site classé par le ministère québécois des Affaires culturelles.

Or, les 2,6 millions sont dans un compte qui exige normalement la signature de Laurent Gaudreau pour tout retrait.

M. Gaudreau, qui a versé des honoraires à plusieurs consultants et payé les impôts pour ces sommes, ne veut pas laisser filer les 2,6 millions avant que toutes les factures ne soient réglées.

Il apprend toutefois à la fin de décembre, que le directeur général de la Caisse populaire de Loretteville, près de Québec, Marcel Champagne, a autorisé la SOLIM a reprendre ses billes. «Ils ont vidé mon compte de banque sans que la Caisse me demande l'autorisation. C'est pour moi un détournement de fonds», lance M. Gaudreau.

Le directeur Champagne était, mardi matin, en «absence pour une période indéterminée» de son poste. Mardi après-midi, sa secrétaire, Sylvie Bourgeau, rappelait La Presse pour annoncer qu'il prenait sa retraite «en date d'aujourd'hui». Une source au conseil d'administration de la caisse confirme que le contentieux avec TIPI a contribué à ce départ rapide.

«On avait un droit de rappel si le projet ne se concrétise pas. Il ne rencontrait pas les objectifs budgétaires, la qualité recherchée. C'est ce droit qu'on a exercé», explique pour sa part le porte-parole du Fonds, Mario Tremblay.