Le club Do Ré Mi, une véritable institution de la danse sociale de Montréal, fait son dernier tour de piste. L'établissement de Rosemont-La Petite-Patrie fermera ses portes, dimanche prochain, 45 ans après son ouverture.

En fin d'après-midi, hier, une quinzaine de couples pratiquaient le quick-step sur le plancher de 14 000 pieds carrés. Des rideaux orangés tamisaient la lumière de l'extérieur. Des lettres de néon annonçaient les différents styles de danse pratiqués au club. Et des employés s'affairaient à servir le repas aux danseurs arrivés tôt. La veille, samedi soir, ils étaient plus de 650 à suer sur ces planches.

 

Les réguliers savourent leurs valses, exécutent leurs pas de rumba, se déhanchent au son du mambo, certains pour la dernière fois. Dans une semaine, le plus gros studio de danse au Canada n'existera plus.

«Ça me fait de la peine», confie Fernande Forbes, une résidante de la Rive-Sud qui vient danser chaque semaine.

Mme Forbes, une veuve, a rencontré Gérard Lespérance dans un cours de danse. Le couple fréquente le club Do Ré Mi depuis 1997. Attablés au fond de la salle, hier, ils avaient peine à croire que leur boîte favorite allait fermer.

«C'est un tout, résume M. Lespérance. C'est l'ambiance, c'est le plancher de danse qui est toujours parfait, il n'y a pas de salles comme celle-là. Ça ne se fait pas à Montréal.»

Endroit privilégié

Fondé en 1963, le club Do Ré Mi a occupé différents locaux avant de s'installer au 505, rue Bélanger, en 1971. Au plus fort de son rayonnement, au milieu des années 80, le club occupait deux étages et attirait en moyenne 1200 personnes chaque samedi soir.

«Ici, c'était un endroit privilégié, raconte Ovila Taillefer, venu danser avec sa copine Lorraine Paquet et un couple d'amis. J'ai connu l'endroit dans le temps où il y avait des orchestres.»

Seulement, la popularité de la danse sociale n'a cessé de chuter depuis cette belle époque, relate Jean Joyal, qui a fondé le Do Ré Mi avec son père alors qu'il n'avait que 17 ans. Son chiffre d'affaires a essuyé un coup lorsque le Casino de Montréal a ouvert ses portes en 1993. Et l'engouement pour la salsa, le tango et la danse western l'a privé de plusieurs clients potentiels dans les dernières années.

Résultat: M. Joyal n'arrivait plus à joindre les deux bouts. Et après 45 ans de loyaux services, il souhaitait prendre sa retraite pour s'occuper de ses petits-enfants.

«Pour moi, personnellement, c'est une libération parce qu'après 45 ans à faire la même chose, il faut passer à autre chose, affirme-t-il. Mais de voir que ma clientèle ne sait pas où elle va aller danser, ça me dérange.» Le propriétaire a tenté pendant cinq ans de trouver un acheteur qui prendrait les rênes du Do Ré Mi, mais en vain. Il a finalement accepté l'offre d'un acquéreur qui n'a pas encore annoncé ce qu'il fera du bâtiment.

Le studio de danse fermera ses portes pour de bon dimanche prochain. Petite consolation pour les amateurs, l'école de danse Gilles Beaulieu, située à l'étage inférieur, restera ouverte.