Votre piscine creusée est dotée d'un tremplin? Dès la semaine prochaine, elle ne respectera probablement plus les standards québécois. Le Bureau de normalisation du Québec (BNQ) s'apprête à publier une nouvelle norme pour l'installation des tremplins de piscines résidentielles, a appris La Presse.

Cette norme, qui précise quelle profondeur doit avoir la piscine devant et sous le tremplin pour que l'on puisse y plonger sans danger, sera plus sévère que l'ancienne norme américaine NSPI, à laquelle se fient encore la plupart des fabricants de piscines nord-américains.

 

Au Québec, la majorité des 72 000 piscines creusées résidentielles ont été construites selon la norme NSPI, jugée insuffisante par les tribunaux de Washington en 2000.

«La nouvelle norme du BNQ confirme donc une chose: la majorité de ces piscines sont très dangereuses», affirme Éric Lavoie, membre du comité chargé d'élaborer la norme il y a plus d'un an.

Devenu tétraplégique à la suite d'un accident de plongeon en 1995, M. Lavoie a entrepris les démarches qui ont mené à la publication de cette toute première norme canadienne sur les tremplins de piscines privées.

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Trois mètres dessous, 4,5m devant

La norme, qui sera publiée cette semaine sur le site du BNQ, est inspirée des standards actuels dans les piscines publiques. Le BNQ a même été un peu plus sévère que le règlement provincial sur les bains publics.

Selon la nouvelle norme, il doit y avoir au moins 3m d'eau devant le tremplin pour assurer la sécurité du plongeur. En moyenne, les piscines creusées ont une profondeur d'environ 2,5 m. La norme du BNQ est également plus stricte en ce qui a trait à la longueur de la section profonde. Elle exige une distance d'au moins 4,5m entre le fil à plomb du tremplin (l'extrémité) et le début de la pente qui monte vers la partie peu profonde.

«Cette exigence est particulièrement importante puisque la majorité des accidents de plongeon se produisent dans cette pente», explique Éric Lavoie, qui s'est blessé ainsi dans la piscine de son ex-beau-père, à Repentigny, à l'âge de 19 ans.

Chaque année au Québec, une cinquantaine de baigneurs se blessent en plongeant, selon les données du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Et chaque année, un Québécois devient tétraplégique après s'être brisé le cou au fond d'une piscine résidentielle.

C'est pour éviter ces drames qu'Éric Lavoie a communiqué avec la Société de sauvetage du Québec au début des années 2000. Il voulait alors changer les normes. Maintenant, il compte se battre pour les faire appliquer.

Vers un règlement uniforme?

La nouvelle norme du Bureau de normalisation du Québec servira de référence aux fabricants de piscines de la province. Des représentants de Trévi et du Club Piscine ont confirmé à La Presse qu'ils allaient s'y conformer dès sa publication.

Toutefois, les normes ne font pas office de loi, souligne Daniel Langlais, du BNQ. «La nouvelle norme ne forcera pas les gens à démonter leur tremplin», explique-t-il. Autre obstacle: plusieurs installateurs de piscines indépendants n'hésitent pas à faire fi des normes pour encaisser quelques dollars de plus. «Il faut que les normes soient respectées. Et pour cela, il y a deux solutions», estime Éric Lavoie.

La première: que le Bureau d'assurance du Canada accepte d'indemniser les personnes qui se blessent en plongeant d'un tremplin non conforme, comme c'est maintenant le cas aux États-Unis. Les compagnies d'assurances refuseraient ainsi d'assurer les propriétaires de piscines dangereuses, ce qui inciterait ces derniers à démonter leur tremplin.

La deuxième: que le gouvernement provincial légifère. Actuellement, seuls une vingtaine d'arrondissements et de villes ont des règlements assez sévères pour se conformer à la nouvelle norme. Greenfield Park, Kirkland, Lachine, Montréal-Ouest, Outremont, Pointe-Claire, Saint-Amable, Sainte-Anne-de-Bellevue, Saint-Lambert, Saint-Laurent et Verchères sont du nombre.

La ministre des Affaires municipales, Nathalie Normandeau, n'a pas souhaité émettre de commentaire avant la publication officielle de la nouvelle norme. Son attaché de presse, Christian Tanguay, s'est contenté de rappeler que l'Assemblée nationale avait adopté en 2007 le projet de loi 18, qui confère au gouvernement le droit de fixer un cadre réglementaire uniforme sur la sécurité des piscines résidentielles.

«Je ne peux toutefois pas vous parler d'un échéancier», a dit M. Tanguay.