Des proches de la famille de Mohamed Kohail, ce Montréalais condamné à la décapitation en Arabie Saoudite, sont déçus de l'attitude du ministre Stockwell Day et ne croient pas que le gouvernement Harper fait réellement tout ce qui est en son pouvoir pour sauver la vie du jeune homme.

Profitant d'une mission commerciale au Moyen-Orient, Stockwell Day s'est entretenu vendredi avec les parents de Mohamed Kohail afin de leur assurer qu'Ottawa mettait tout en oeuvre pour les aider.

 

«La rencontre n'a duré que sept minutes - le père de Mohammed l'a chronométrée, c'est lui qui me l'a confirmé. C'est très décevant», a affirmé hier à La Presse Rana Saheb, une amie de la famille qui s'entretient régulièrement avec le père de M. Kohail.

«Le gouvernement se vante d'agir, mais il ne répond pas aux demandes de Mohamed, il ne fait pas ce qui pourrait réellement l'aider», dénonce-t-elle.

Mme Saheb aurait souhaité que Stockwell Day «fasse preuve d'humanisme» et s'entretienne avec le roi Abdallah ou l'un de ses porte-parole pour lui demander d'intervenir directement dans le dossier. Stockwell Day a plutôt rencontré le président de la Commission saoudienne des droits de l'homme, Bandar Bin Mohammed Al-Aiban, et abordé la question au cours de plusieurs rencontres bilatérales, notamment avec le gouverneur de Djeddah.

Selon le député libéral Dan McTeague, qui suit de près ce dossier et qui s'est aussi entretenu avec le père de Mohamed hier matin, M. Kohail a été «vexé» par l'attitude de Stockwell Day et du peu de temps qu'il a eu à lui consacrer. «Il n'a même pas pris la peine d'aller rencontrer Mohammed en personne», a-t-il dénoncé. Le geste, dit-il, aurait envoyé un message clair aux autorités saoudiennes de la volonté du Canada d'obtenir la clémence pour Mohamed Kohail.

Signes encourageants?

Par ailleurs, le ministre Stockwell Day s'est dit encouragé, hier, que le Conseil de justice suprême saoudien ait demandé à un tribunal d'une instance inférieure de réviser certains éléments du dossier. «La Cour suprême envoie le message que des questions doivent être reconsidérées. Nous prenons cela comme une bonne nouvelle», a-t-il déclaré au cours d'une conférence téléphonique. Mieux, les avocats de M. Kohail pourraient avoir la chance de mettre de l'avant de nouveaux éléments du procès qui avaient été écartés précédemment.

Mais pour le député McTeague, ces propos témoignent plutôt de «l'ignorance» du système de justice saoudien dont fait preuve M. Day. «C'est la sixième fois maintenant que la cause est remise à une instance inférieure, devant le même groupe de juges. Ce n'est certainement pas un événement dont on peut se réjouir.» Il affirme que seule l'intervention du roi Abdallah permettra maintenant de faire débloquer les choses.

Lettre à Stephen Harper

Mohamed Kohail a écrit une lettre à Stephen Harper cette semaine lui demandant aussi de «prendre 10 minutes pour appeler sa majesté le roi Abdallah» pour lui éviter la décapitation. «J'ai le sentiment que mon gouvernement a échoué à m'aider dans la moindre procédure judiciaire consulaire», reproche-t-il d'ailleurs au premier ministre.

Stockwell Day, qui a reçu une copie de la lettre des mains du père de Mohamed, a promis hier de la remettre à Stephen Harper dans les prochains jours.

Emprisonné depuis plus de deux ans et demi, Mohamed Kohail a été reconnu coupable en janvier 2007 du meurtre d'un adolescent lors d'une bagarre dans une école de Djeddah, qui aurait été déclenchée lorsque son frère cadet, Sultan, a été accusé d'avoir insulté une camarade de classe. Les deux frères ont affirmé à plusieurs reprises qu'ils avaient agi en état de légitime défense et n'avaient pas infligé les blessures fatales durant la bagarre. Sultan Kohail, 18 ans, a d'abord été condamné, à titre de complice de Mohamed, à un an de détention et 200 coups de fouet. La famille de la victime a interjeté appel, ce qui signifie que Sultan devra probablement subir un nouveau procès.