Pour la première fois en Amérique du Nord, les employés d'une boutique de vêtements de Montréal appartenant au géant du détail Gap sont parvenus à se syndiquer. Cette initiative pourrait toutefois être compromise si la Commission des relations du travail (CRT) révise sa décision sur l'accréditation des travailleurs à l'automne.

La cinquantaine de salariés du Banana Republic de la rue Sainte-Catherine à Montréal - la marque haut de gamme de l'empire du vêtement Gap - sont affiliés à la Fédération du commerce de la CSN depuis le mois d'avril.

Selon Gap Canada, il s'agit du seul magasin de l'entreprise de 134 000 employés où des travailleurs sont présentement syndiqués dans le monde.

Pour l'instant, le détaillant dit écarter la possibilité de fermer boutique, comme ce fut le cas au cours des dernières années dans un Wal-Mart de Jonquière ou dans des restaurants McDonald's de la grande région de Montréal. En mai, deux employés ont toutefois déposé une demande de révision du jugement de la CRT qui a accordé l'accréditation syndicale.

L'avocat des deux employés compte plaider qu'il y a eu une erreur de droit. Dans son jugement rendu le 15 avril, le commissaire de la CRT a considéré que deux employés étaient membres du syndicat même s'ils n'ont pas déboursé les 2 $ requis au moment de la signature de leurs cartes d'adhésion.

Pour obtenir une accréditation syndicale, 50% des employés plus un doivent signer une carte d'adhésion puis payer 2$.

La révision de la décision pourrait miner l'avenir du syndicat, puisque le nombre de personnes qui ont signé leurs cartes est à peine majoritaire.

«Le nombre de personnes qui ont signé des cartes fluctue», a affirmé la présidente du comité syndical, Rossita Taneva, en précisant qu'elle ne pouvait pas révéler le nombre exact de personnes qui ont adhéré au syndicat.

«Les employés ont encore le droit de signer des cartes. Si ces deux personnes ne sont plus considérées comme étant membres du syndicat, mais que d'autres personnes signent, on va être corrects.»

«C'est sûr que, lorsque des salariés décident de contester l'accréditation, c'est toujours un peu particulier», a ajouté Yves Rivard, conseiller syndical à la CSN. «Si la décision est renversée, on refera les calculs. Mais on ne croit pas que ça va être fait.»

De retour devant la CRT à l'automne

L'audience en révision sur la requête en accréditation est prévue le 9 octobre. Lorsqu'une décision est annulée, le processus de signature de cartes est à recommencer. Ce qui n'est pas une tâche facile en raison du roulement important d'employés dans le secteur du commerce de détail. Une seconde requête d'adhésion devra ensuite être déposée à la CRT.

Entre-temps, les négociations pour mettre sur pied la convention collective devraient commencer d'ici octobre.

«C'est pas mal à la négociation que ça va se jouer», a souligné Yves Rivard. «Pour l'instant, Gap n'a pas encore pris de mesures particulières, comme augmenter la liste des employés en embauchant des salariés à la dernière minute.»

Selon Rossita Taneva, la rémunération des employés oscille entre le salaire minimum, fixé à 9$ l'heure, et 12$ l'heure. «Nous sommes sous-payés et nous voulons améliorer notre environnement de travail», a-t-elle résumé.

Une dizaine d'employés ont été joints dans le cadre de ce reportage. Tous ont refusé d'accorder une entrevue ou n'ont pas répondu aux appels et aux courriels répétés de La Presse.

Du côté de Gap, la responsable des relations publiques du détaillant au Canada, Tara Wickwire, a dit que la direction de l'entreprise était «déçue» de la syndicalisation du Banana Republic de Montréal.

«Nous croyons que le dialogue avec nos employés est la meilleure façon de régler des sujets de discorde», a-t-elle affirmé.

The Gap inc. est le deuxième détaillant en importance coté en Bourse aux États-Unis. La bannière regroupe les boutiques Old Navy, Gap, Banana Republic, Piperline et Athleta. Selon le palmarès des plus grandes entreprises du magazine Forbes, Gap figure au cinquième rang mondial des plus grandes entreprises de détail spécialisées dans le vêtement.