Vêtue d'un t-shirt vert sur lequel on pouvait lire «On m'aime comme je suis», la petite Sabrina Sheikh, 5 ans, ne comprenait pas trop, hier, pourquoi sa famille pleurait à chaudes larmes en sortant de la salle d'audiences de la Commission de l'immigration et du statut des réfugiés (CISR). Mais à moins d'un revirement politique de dernière minute, la fillette, née à Montréal, sera séparée de ses parents dès ce matin.

L'Agence des services frontaliers du Canada a l'ordre d'expulser du pays son père, Sabir Mohammed Sheikh, et sa mère, Seema Sheikh, aujourd'hui.

 

D'abord acceptés comme réfugiés au Canada en 2001, les Sheikh, qui sont originaires du Pakistan, se sont vu retirer l'asile en 2007 après que les autorités eurent découvert qu'ils avaient fourni de fausses informations à leur arrivée en 2000. Les parents avaient notamment dissimulé avoir vécu à Dubaï pendant 20 ans.

Plaidant que leur vie sera en danger s'ils retournent au Pakistan, où leur famille a de fortes affiliations politiques, les Sheikh, qui se sont refait une vie dans le quartier Parc-Extension au cours de la dernière décennie, ont tenté en vain pendant trois ans d'obtenir un nouveau statut, puis de faire suspendre l'ordre de renvoi du pays.

Dans une décision peu commune, un juge de la Cour fédérale a accepté, la semaine dernière, de mettre en suspens l'ordre d'expulsion qui pèse contre trois des enfants adultes de la famille, mais a donné le feu vert au renvoi des parents. La garde de la petite Sabrina, née au Canada, est confiée à son frère et à ses soeurs aînés.

Vendredi dernier, les parents ont été arrêtés et mis en détention. Hier, craignant que les Sheikh ne cherchent à prendre la fuite, un juge de la Commission de l'immigration et du statut des réfugiés (CISR) a refusé de leur rendre leur liberté pour une dernière nuit avec leurs enfants. Selon les informations fournies au moment de l'audience, les parents seront expulsés ce matin vers les États-Unis, pays par lequel ils ont transité avant de demander l'asile au Canada en 2000.

Le verdict du juge de la CISR a soulevé l'ire des enfants Sheikh et des amis de la famille qui s'étaient déplacés pour l'audience. «C'est une décision complètement inhumaine. Nous pouvons à peine y croire», a dit le fils de la famille, Sami Sheikh, à sa sortie de la salle d'audience.

Justin Trudeau à la rescousse

L'avocat des Sheikh, Stewart Istvanffy, a admis que la famille pakistanaise a épuisé tous les recours prévus par le système canadien et qu'il ne restait qu'un seul espoir: une intervention du ministre de l'Immigration.

À ce chapitre, les Sheikh possèdent un allié. Le député libéral de leur circonscription, Justin Trudeau, a demandé hier au ministre conservateur Jason Kenney de prendre personnellement part à la révision de leur dossier. «Le renvoi de Sabir et de Seema aura des effets dévastateurs sur l'avenir de la famille», expose le député libéral dans une lettre envoyée hier.

Malgré des appels répétés au bureau de M. Kenney, La Presse a été incapable de savoir si le ministre comptait mettre un frein au renvoi des parents ce matin. Le directeur des communications du cabinet du ministre, Alykhan Velshi, a formellement refusé de prendre les appels de La Presse.