Six des neuf membres du conseil d'administration de la Société de transport de Montréal (STM) sont des élus d'Union Montréal, le parti du maire Gérald Tremblay. Et la représentante des usagers est la présidente d'Union Montréal. Est-ce une situation correcte ? À Québec, le maire Régis Labeaume ne le pense pas. Avec l'avocat Richard Drouin, il est en train de réformer la gouvernance des sociétés paramunicipales de la Vieille Capitale afin d'écarter le plus possible les élus des conseils d'administration. Une réforme qu'ils voudraient voir appliquée partout au Québec.

Le maire de Québec, Régis Labeaume, et l'avocat Richard Drouin ont remis la semaine dernière le rapport du groupe de travail qu'ils ont dirigé sur la gouvernance des sociétés paramunicipales de Québec. Un document que Me Drouin qualifie de «révolutionnaire».

 

Cela explique pourquoi, lorsque nous avons révélé au maire Labeaume que six élus du parti du maire Tremblay sont membres du conseil d'administration de la STM et que la représentante des usagers, Brenda Paris, est présidente d'Union Montréal, il a lâché: «Ah! mon Dieu!»

«Quand je suis arrivé à la mairie, j'ai trouvé ça terrible, a dit Régis Labeaume. Comme ailleurs au Québec, c'est la culture du gros maire qui fait tout et des élus qui pensent qu'ils doivent tout gérer. À peine élu, je me suis rendu compte que je devenais président du comité de vérification. Tu te vérifies toi-même: c'est ridicule!»

Venu du secteur privé et issu de la première cohorte du Collège des administrateurs de sociétés, le maire Labeaume estime qu'il est anormal qu'un maire ou des élus gèrent toutes les entités de la municipalité. Cela fausse, selon lui, la notion de reddition de comptes.

«Prenons le Réseau de transport de la Capitale. Quand il vient devant le conseil municipal faire de la reddition de comptes, les gens sont juges et parties puisque, mis à part deux représentants des usagers, les sept autres sont des élus.»

Dorénavant, le maire veut donc qu'une majorité de membres extérieurs à la municipalité siègent aux conseils d'administration des sociétés paramunicipales de Québec, des organismes qui gèrent 260 millions de dollars par an, soit le quart des budgets de la Vieille Capitale. Ainsi, au RTC, il devrait y avoir désormais quatre administrateurs indépendants, trois élus, deux représentants des usagers et le dirigeant de la société. Il faudra toutefois que Québec donne son accord, car le RTC, comme la STM, dépend de la Loi sur les sociétés de transport en commun.

À Expocité, un organisme qui gère des infrastructures de loisirs, 10 des 12 membres du conseil d'administration sont des élus, dont M. Labeaume. Les deux autres sont cadres. Il y aura désormais quatre indépendants et trois élus.

Si, à Montréal, le comité de vérification des comptes est formé de deux membres extérieurs et de trois élus, à Québec, il y aura un membre nommé sur recommandation du maire, un sur recommandation de l'opposition et trois indépendants.

Dans le cas de Michel Labrecque, conseiller municipal montréalais et président du conseil d'administration de la STM, l'analyse de MM. Labeaume et Drouin est catégorique: c'est une combinaison malsaine.

«En matière de gouvernance, un élu, quand il fait partie du CA d'une société paramunicipale, ne peut être indépendant, dit Me Drouin. Parce qu'il est élu, il a un rôle à jouer à titre d'élu. Quand il est à la table du conseil, peut-il juger de l'administration d'une société dont il est lui-même membre du conseil?»

Si Michel Labrecque est féru de transports en commun, le fait qu'il soit un élu le disqualifie-t-il pour être président de la STM? «Oui, répond Me Drouin. Parce que quand il va retourner au conseil, il va devoir se comporter comme un élu et, par conséquent, avoir à juger de son administration. Il y a alors une apparence évidente non pas de conflit d'intérêts, mais de non-indépendance. L'indépendance, c'est permettre à quelqu'un de n'avoir aucune attache avec quiconque qui soit en rapport avec la société en question.»

M. Labrecque ne partage pas ces vues. «Je vois mal un conseil formé seulement de gens indépendants, dit-il. Et ce, nonobstant leur expertise. Avec des élus, cela permet d'avoir une très bonne gouvernance. Comment un parti élu peut-il appliquer sa politique s'il n'est pas présent? Il faut être autour de la table. Et puis, j'ai des comptes à rendre.»

Pour MM. Labeaume et Drouin, on pourrait même parvenir à ce qu'il n'y ait aucun élu aux conseils d'administration des sociétés paramunicipales, comme pour les sociétés d'État. M. Labrecque rejette cette idée: «On ne peut pas avoir une société publique en service collectif sans élus, dit-il. C'est très important qu'il y ait des élus au CA et qu'ils répondent de leur gestion. La STM n'est pas une entreprise privée.»

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