Trois ans après l'onde de choc qu'avait provoquée la noyade de deux enfants de 4 et 13 ans en 2006, Québec a répondu lundi avec un projet de règlement sur la sécurité des piscines résidentielles.

Essentiellement, ce règlement, qui compte une dizaine d'articles, vise à empêcher les enfants d'accéder sans surveillance à la piscine. Selon le type de structure, il obligerait le propriétaire à ériger une clôture ou à empêcher l'accès à l'échelle. Il ne s'applique qu'aux nouvelles piscines.

Même s'ils y décèlent des lacunes, les deux principaux organismes qui réclamaient un règlement plus musclé, la Société de sauvetage et l'Institut national de la santé publique du Québec, ont bien accueilli le document présenté par le ministre Laurent Lessard. Il sera étudié en commission parlementaire à l'automne, vraisemblablement amendé, et pourrait être adopté à temps pour l'été prochain, indique-t-on au ministère des Affaires municipales.

«C'est une excellente nouvelle, ça fait longtemps qu'on réclamait un règlement uniforme pour tout le Québec», se réjouit Diane Sergerie, conseillère scientifique à l'INSPQ. À la Société de sauvetage, on salue la «volonté politique» derrière ce projet de règlement. «J'aime mieux avoir un règlement imparfait qui part en consultation que d'attendre la perfection, dit Raynald Hawkins, directeur général. Ça fait plus de 20 ans qu'on travaille à ce projet de règlement. À force d'essayer d'avoir le consensus total, on s'est rendu compte qu'on n'avait jamais de règlement. Avec ce règlement-là, on pourra toujours éduquer et sensibiliser.»

Les consultations de l'automne seront l'occasion d'exiger des modifications substantielles au projet, précise M. Hawkins. Il regrette en premier lieu le fait qu'il ne s'applique qu'aux nouvelles piscines et croit qu'on devrait forcer les propriétaires à s'adapter d'ici quelques années. «On souhaiterait une zone de transition. Le gouvernement a mis en place des crédits d'impôt pour la rénovation. Est-ce qu'on pourrait donner accès à ces crédits aux propriétaires qui veulent faire les modifications pour se conformer au règlement?»

Diane Sergerie rappelle que l'INSPQ avait également proposé un délai de transition de deux à quatre ans. Elle souligne que le fait d'épargner les installations existantes «enlève beaucoup d'efficacité au règlement». «Avec la durée de vie d'une piscine hors terre, il faudra attendre de 10 à 15 ans pour que le règlement prenne effet.»

Un choix nocif

Autre faiblesse: le projet de règlement laisse à plusieurs endroits le choix aux propriétaires entre une installation sécuritaire fixe et une autre qu'on peut retirer. Par exemple, dans le cas d'une piscine hors terre, on peut installer une échelle amovible et la retirer après la baignade, ou empêcher l'accès par des portières qui se verrouillent automatiquement.

Même scénario en ce qui concerne les piscines gonflables: on peut les protéger par une clôture ou par une simple couverture. Dans les deux cas, la Société de sauvetage privilégie la solution que les parents ne risquent pas d'oublier accidentellement. «L'échelle amovible, on sait que ce n'est pas une mesure efficace parce que les gens l'oublient ou la laissent là, dit M. Hawkins. Pour une piscine gonflable, c'est sûr que, plutôt que rien, on aime mieux voir une toile de protection. Mais il suffit de l'oublier un matin et l'enfant peut y avoir accès. On sait que la mesure la plus efficace, c'est le ceinturage.»

La couverture sur une piscine gonflable, «ce n'est pas une mesure qu'on peut qualifier de sécuritaire», renchérit Diane Sergerie.

On trouve plus de 280 000 piscines privées au Québec, qu'elles soient creusées, hors terre ou gonflables. Selon les statistiques les plus récentes diffusées par l'INSPQ, 57 personnes se sont noyées dans une piscine résidentielle au Québec entre 2000 et 2006. De ce nombre, 23 étaient âgées de moins de 5 ans.

Entre mai et juin 2006, deux enfants s'étaient noyés en moins de deux semaines, ce qui avait suscité l'émoi et provoqué un débat autour de la sécurité des piscines, surtout les modèles gonflables, mis en cause dans les deux cas. À la mi-mai, un garçon de 4 ans de Saint-Thomas, dans Lanaudière, avait échappé à la surveillance de ses parents pour se retrouver dans la piscine. Début juin, Judy Mirandette-Gaudette, 13 ans, est morte après que ses cheveux se furent coincés dans le système de filtration, trop puissant. Plusieurs municipalités québécoises ont, dans les mois suivants, encadré d'un règlement plus strict l'installation de piscines gonflables.