La FTQ ne veut rien savoir d'une commission d'enquête publique sur l'industrie de la construction, a fait savoir hier le président de la centrale, Michel Arsenault.

La FTQ a été au centre d'une série d'allégations, le printemps dernier, à cause des liens entre le crime organisé et des dirigeants de la FTQ-Construction, notamment son directeur général Jocelyn Dupuis. Les rapports privilégiés entre l'entrepreneur Tony Accurso et le Fonds de solidarité de la FTQ ont fait la manchette. Des entreprises de M. Accurso ont fait l'objet de perquisitions, tout comme une série d'entreprises de construction soupçonnées d'ouvrir la porte au blanchiment de l'argent du crime organisé, notamment des Hells Angels.

 

En dépit des sondages qui démontrent que plus de 80% des Québécois souhaitent une commission d'enquête, Michel Arsenault ne croit pas en ces exercices qui sont «des grosses ballounes inutiles». «Il y a des gens qui disent que cela pourrait nuire à l'enquête policière... Une commission d'enquête, ça amène de l'eau au moulin des journalistes. On a réglé quoi avec la commission sur M. Mulroney? Avec Bouchard-Taylor? Avec Chandler (l'usine Gaspésia)? On a des grosses ballounes mais, à la fin, on a réglé quoi? On n'en veut pas d'enquête, à la FTQ; on veut que la police fasse son travail», a-t-il lancé.

Au printemps, M. Arsenault avait promis que la centrale exigerait le remboursement de tout l'argent versé en notes de frais injustifiées à Jocelyn Dupuis. Huit mois plus tard, rien n'a été fait, et le dossier n'a même pas été transmis à la police, a appris La Presse.

«On n'a rien à se reprocher, à la FTQ; le blanchiment d'argent, ce sont les entrepreneurs qui font ça», a soutenu M. Arsenault.

Le directeur général de la FTQ-Construction, Richard Goyette, a soutenu hier, dans une lettre publique mise en ligne sur le site du syndicat, qu'il ne voulait rien savoir d'une enquête qui se ferait «sur le dos des travailleurs». Son intervention a fait dérailler la conférence de presse du front commun du secteur public, qui a déposé hier ses demandes salariales (11,25% d'augmentation en trois ans).

Après que M. Arsenault eut refusé de répondre aux questions touchant l'enquête et l'entrepreneur Tony Accurso, en conférence de presse, il a dû se prêter à un point de presse imprévu devant l'insistance des journalistes.

Selon le syndicaliste, «on a des expériences d'enquêtes publiques, on a vu la Gaspésia à Chandler... On n'a pu y présenter notre point de vue. Si les gens pensent qu'il y a des choses de pas correctes, que la police fasse son enquête et son rapport», a soutenu M. Arsenault.

Le président de la FTQ a reconnu au printemps dernier qu'il avait profité du yacht somptueux de l'entrepreneur Tony Accurso dans les îles Vierges, en novembre 2008; il était alors accompagné d'un autre dirigeant de la FTQ. Au printemps, il a défendu l'entrepreneur controversé, soutenant que le Québec aurait besoin de 10 Tony Accurso. «J'ai été cité hors contexte... Tony Accurso a été un excellent partenaire pour le Fonds de solidarité; on a fait un excellent rendement de 13% sur ces projets. Et puis? Est-ce qu'il y a des accusations contre Tony Accurso?» a demandé M. Arsenault.

Du côté de la FTQ-Construction, on qualifie de «show médiatique» ces commissions d'enquête, et on n'a clairement pas l'intention «d'en faire les frais», a soutenu Richard Goyette, porte-parole syndical de cette industrie qui emploie 146 000 travailleurs.

«Depuis 30 ans, la FTQ-Construction demande des interventions musclées afin de mettre un terme aux pratiques qu'elle qualifie de crimes de société. Mais sauf pour de rares observateurs sérieux, on considérait qu'en agissant de la sorte, la FTQ-Construction se préoccupait de problèmes secondaires», soutient Richard Goyette sur le site de son syndicat.