À l'occasion de la première tempête de l'hiver, nous avons demandé à des Montréalais originaires de pays chauds de nous raconter la première fois qu'ils ont vu de la neige.

Hameza Othman, originaire de l'Éthiopie, se souvient d'être resté très longtemps à la fenêtre. Combien de temps? Au moins le temps que s'accumulent 10 cm au sol. «J'étais carrément hypnotisé par toute cette neige qui tombait du ciel, j'étais incapable de faire autre chose.»

 

Aller dehors? Êtes-vous fous? disait-il à ses amis qui tentaient de l'arracher de son poste d'observation. «J'étais sûr que si je sortais dehors, j'allais mourir, me transformer en un instant en bloc de glace! Mes amis africains qui étaient là depuis quelques hivers se sont bien moqués de moi.»

Encore fallait-il expliquer à sa mère, toujours là-bas, en Afrique, ce qu'était l'hiver.

Il lui a d'abord dit que c'était comme vivre dans un congélateur.

Pour lui montrer qu'on n'en meurt pas, il a décidé d'enlever tous ses vêtements, de les étaler dans la neige et de prendre une photo. Voilà, c'est comme cela, en s'habillant en pelures d'oignon, qu'on survit à l'hiver - «et disons que, dans les premières années, j'en portais, des couches et des couches de vêtements!»

«Moi, quand j'ai vu ce que c'était, j'ai tout de suite eu envie de retourner dans mon pays», dit pour sa part Jean-Paul Alberto.

De la neige, il n'en avait jamais vu. Ce qu'il avait vu de plus approchant, «c'était les sucettes glacées Fresco qui se vendaient en Haïti quand j'étais petit».

Un pays complètement gelé

Patrick Meus, lui aussi originaire d'Haïti, se souvient d'avoir surtout été frappé par le fait que «que tout un pays puisse être gelé comme ça».

M. Meus avait bien vu James Bond à la télévision dévaler à toute allure en ski une montagne toute blanche, mais il n'avait pas réalisé, enfant, qu'il y avait de la profondeur là-dessous. Pour lui, la montagne était blanche plutôt que verte, et c'était tout. «J'avais 13 ans quand je suis arrivé au Québec et j'ai tout de suite aimé l'hiver. Je me souviens qu'avec des amis, dès qu'il y avait assez de neige, nous mettions le cap sur le mont Royal. On prenait l'autobus en groupe, avec nos longs traîneaux, et personne ne semblait trouver qu'on les importunait.»

En un hiver, ça y était: il savait patiner. «Au début, on avait une paire de patins pour sept personnes. Ensuite, des Québécois nous ont donné des patins de la bonne pointure et on s'est vite améliorés. Moi, dans l'équipe, j'aurais voulu être Guy Lafleur, mais je ne pouvais pas: j'étais noir et j'étais petit! J'ai finalement été Yvan Cournoyer.»

«Les Filles de la sagesse, les religieuses qui m'enseignaient en Haïti, nous montraient des images des quatre saisons du Canada, des feuilles qui jaunissaient et de la neige qui tombait ensuite, raconte pour sa part Cléante. Moi, je pensais que c'était comme de la poussière. Je n'avais pas réalisé que ce serait si froid. À mon premier hiver, quand j'ai vu quelque chose tomber du ciel, je n'étais pas sûre que c'était des flocons. Je suis sortie dehors, je me suis penchée et j'ai touché. C'était donc cela, de la neige!»

Fabien Bizimana était arrivé du Burundi depuis un ou deux jours quand son frère l'a tiré de son sommeil et de son décalage horaire. Il neigeait! Trente centimètres de belle neige! «Heureusement qu'il m'a dit de m'habiller parce que j'allais sortir en pyjama! Tout était blanc et je trouvais ça très, très propre. Je me suis promené dans le quartier. Comme tout était blanc et que, pour moi, tous les immeubles ici étaient pareils, je me suis perdu. J'ai mis 20 minutes à retrouver mon appartement.»

«Je suis arrivée au pays un 1er juillet, évoque pour sa part Fils-Aimé Plésimond. Du haut des airs, par le hublot, je cherchais la neige des yeux. Pas de neige! Je descends de l'avion, et il faisait plus chaud qu'à Haïti! Elle est où, la neige? C'est là qu'on m'a dit qu'il faudrait que j'attende l'hiver.»