La récession semblait avoir plombé les collectes du temps des Fêtes des organismes de bienfaisance, mais la récolte décevante de la Grande Guignolée des médias de Montréal a été compensée ce week-end lorsque la Guignolée du Dr Julien a amassé une somme record de 521 300 $. Et d'autres entreprises de charité disent avoir retrouvé leur rythme de croisière après un lent début de saison.

Le Dr Gilles Julien l'admet candidement: il craignait le pire avant le début de sa septième collecte. «J'étais très inquiet jusqu'à la fin de la Guignolée samedi soir, a-t-il confié. S'il y avait eu une tempête, on se serait écrasés. Les conséquences auraient alors été désastreuses, car cela voulait dire de réduire les services et les ressources. J'étais tellement préoccupé que je n'en dormais pas. C'était une question de survie.»

Malgré un froid de canard, les appréhensions du pédiatre ne se sont pas réalisées, au contraire. En plus du demi-million amassé en argent, les bénévoles ont recueilli des jouets, des vêtements, des instruments de musique, de la nourriture. La première Guignolée du Dr Julien organisée à l'extérieur de Montréal a permis d'amasser plus de 6300 $ à Gatineau. Et l'organisme compile toujours les dons reçus dans divers points de collecte montréalais.

Depuis le lancement de la Guignolée du Dr Julien, les dons amassés ont augmenté de manière exponentielle. Lors de la première collecte il y a sept ans, 1000 $ avaient été recueillis. En 2006, cette somme était passée à 132 600 $, et cette année, à plus d'un demi-million.

«Nous sommes parvenus à amasser 350 000 $ dans la seule journée de samedi, soit le double de l'an passé, s'est réjoui le pédiatre. C'est énorme, surtout considérant que ça se poursuit en ligne jusqu'au 15 janvier et que le décompte n'est pas terminé. C'est rassurant de voir la réponse de la société en cette période de difficulté économique.»Inespéré

Cette performance était inespérée considérant celle de la Grande Guignolée des médias, qui a eu lieu le 10 décembre. Cette campagne a recueilli des dons de 1,8 million au Québec, selon le bilan provisoire publié la semaine dernière, la même somme qu'à pareille date en 2008. Mais la journée a été difficile à Montréal.

Les derniers chiffres font état d'une collecte de 380 442 $ en argent et de 2350 sacs d'épicerie dans la métropole. L'an dernier, le premier bilan provisoire avait plutôt fait état de 513 613 $ en dons et de plus de 8000 sacs d'épicerie.

«J'avais émis l'hypothèse que la conjoncture économique avait eu un impact, a expliqué Johanne Théroux, directrice de Moisson Montréal. Mais maintenant, quand je vois le succès de l'autre Guignolée, je me dis que ce n'est pas tant la conjoncture économique que la température qui a eu un impact.»

La collecte s'était en effet déroulée au lendemain de la première tempête de la saison. Les voitures étaient moins nombreuses dans les rues de Montréal et les bénévoles ont eu des difficultés à gagner les points de collecte. Le passage de la flamme olympique a aussi perturbé les opérations.

Dans les jours qui ont suivi la Grande Guignolée des médias, les banques alimentaires ont lancé un cri d'alarme, auquel a vite répondu le gouvernement provincial. Par l'entremise des enveloppes discrétionnaires des ministres, Québec leur a versé une aide d'urgence de 250 000 $.

Mme Théroux affirme que Moisson Montréal a retenu de précieuses leçons pour les prochaines années.

«On ne peut pas travailler constamment en urgence comme ça parce que ça met une pression sur tout le monde, sur les groupes communautaires qui ne savent pas s'ils vont recevoir suffisamment de denrées de nous, a-t-elle indiqué. Il va falloir travailler différemment l'an prochain. Il ne faudra pas se fier uniquement à la Guignolée, bien que ce soit notre plus grosse source de revenus.»

Mais les difficultés de la Grande Guignolée à Montréal ont pu bénéficier à d'autres organismes de charité, convient la directrice. Le succès de la collecte du Dr Julien en témoigne, tout comme celui d'autres initiatives.

Le Centre de bénévolat de Laval, qui organise chaque année une collecte pour les familles dans le besoin, semblait en voie de connaître une année désastreuse. Pourtant, l'organisme, qui recueille des dons dans une vingtaine de supermarchés et dans près de 1000 entreprises lavalloises, a réussi son pari de distribuer 1600 paniers de Noël.

Le tournant, explique la directrice générale Kathleen Gagnon, est survenu il y a une semaine et demie, peu après la Grande Guignolée des médias.

«Tout le monde était généreux, mais ils doennaient moins que l'an dernier, explique-t-elle. Puis tout d'un coup, je ne sais pas ce qui est arrivé, mais la nourriture a commencé à entrer, l'argent a commencé à entrer. Les gens sont devenus très généreux il y a une semaine et demie.»

Les pompiers de Montréal, qui sollicitent chaque année des dons en argent, réussiront pour leur part à augmenter de 300 à 400 le nombre de paniers de Noël qu'ils distribuent aux familles. Leur récolte devrait être de 130 000 $ à 150 000 $, un peu plus que l'an dernier. Mais pour y parvenir, les organisateurs ont demandé aux bénévoles de redoubler leur présence sur le terrain.

«On a déjà vu dans le passé des billets de 100 $ dans les paniers, mais cette année, je n'en ai pas vu encore, explique le président de l'Association des pompiers de Montréal, Perry Bisson. On doit multiplier les efforts pour pouvoir offrir 100 paniers de plus.»