Le Canada installera des scanners corporels dans neuf aéroports internationaux d'ici deux mois, a appris La Presse. Le gouvernement Harper compte ainsi répondre aux souhaits des autorités américaines, qui réclament des mesures de sécurité plus musclées dans les vols à destination des États-Unis.

Le ministre des Transports, John Baird, confirmera cet après-midi même à Ottawa ces nouvelles mesures, lesquelles risquent de déplaire à plusieurs groupes de défense des droits individuels, qui jugent que les appareils violent le droit à la vie privée.Les scanners seront installés notamment aux aéroports de Montréal, Toronto, Ottawa, Vancouver, Calgary, Edmonton et Halifax, selon nos sources.

Le gouvernement Harper avait alloué des fonds dans son dernier budget afin de faire l'acquisition des ces appareils de pointe, qui permettent de voir à travers les vêtements.

«Notre objectif est de protéger le périmètre de sécurité nord-américain en adoptant ces nouvelles mesures», a confirmé une source gouvernementale sous le couvert de l'anonymat.

Les États-Unis, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas ont également annoncé au cours des derniers jours qu'ils augmenteraient le nombre de ces scanners dans leurs aéroports internationaux. Ces décisions font suite à l'attentat manqué contre le vol Amsterdam-Detroit le 25 décembre dernier.

Peur du profilage?

Par ailleurs, l'administration de Barack Obama a réclamé hier que les passagers venant de 14 pays accusés de soutenir le terrorisme fassent l'objet de mesures de sécurité supplémentaires. Les autorités américaines ciblent Cuba, l'Iran, le Soudan, la Syrie, le Nigeria (d'où était originaire le jeune homme accusé d'avoir voulu faire sauter le vol 253 le jour de Noël), le Yémen, le Pakistan, l'Afghanistan, l'Algérie, l'Irak, le Liban, la Libye, l'Arabie Saoudite et la Somalie.

Les voyageurs qui ont quitté ces pays ou qui y ont transité à destination des États-Unis doivent notamment se soumettre à une palpation étendue, à la fouille des bagages à main, à un scanner corporel et à la détection d'explosifs.

Les autorités canadiennes évaluaient toujours hier la possibilité de frapper ces pays des mêmes mesures, hier. On craint que cela ne s'apparente trop à une forme de «profilage racial». Pour l'instant, les agents canadiens se contentent de fouiller deux fois tous les passagers qui partent vers les États-Unis, a fait savoir le ministère des Transports du Canada dans une déclaration envoyée par courriel, hier. «Le gouvernement du Canada examine, à l'heure actuelle, les mesures qu'il prendra compte tenu des nouvelles directives de sûreté de la Transportation Security Administration des États-Unis», a-t-on ajouté.

«Toute menace à la sécurité des États-Unis constitue une menace à la sécurité du Canada», avait affirmé le ministre de la Sécurité publique, Peter Van Loan, dans un communiqué de presse le 26 décembre, peu après une discussion avec la secrétaire adjointe du département américain de la Sécurité intérieure, Jane Lute. «Nos organismes d'application de la loi et de sécurité sont déterminés à travailler avec leurs homologues américains pour assurer la sécurité de nos frontières et pour protéger nos citoyens.»

En attendant, Transports Canada a réaffirmé hier, par voie de communiqué, que les mesures spéciales qu'il a instaurées à la suite de l'attentat raté demeureront effectives jusqu'à nouvel ordre. Ainsi, à part quelques exceptions, les passagers en partance pour les États-Unis n'ont pas le droit d'apporter de bagages dans la cabine.

Appareils controversés

Depuis leur apparition il y a quelques années, les scanners corporels sont contestés. À la fin de 2008, les députés européens avaient voté contre une suggestion de la Commission européenne qui recommandait leur utilisation à grande échelle. Un comité interministériel sur la sécurité dans les aéroports doit se réunir jeudi à Bruxelles pour discuter de lutte contre le terrorisme.

Au cours de l'été 2008, le Canada a mené un projet pilote à l'aéroport de Kelowna. La firme chargée de surveiller les tests, Intervistas, conclut dans son rapport que le processus est plus lent que la fouille normale. L'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA) a néanmoins recommandé d'aller de l'avant.

L'ACSTA s'était engagée auprès de la commissaire à la protection de la vie privée, Jennifer Stoddart, à n'utiliser le scanner qu'après que le voyageur aurait passé par un détecteur de métal ordinaire, et à ce que ce dernier ait le choix entre le scanner et une fouille tactile.

L'ACSTA avait aussi promis de ne pas conserver les données récoltées et de placer les appareils de visionnement des images dans une salle distincte, d'où l'agent de fouilles ne peut voir le voyageur.

On ignore pour l'instant combien coûteront ces appareils exactement. Jusqu'ici, Ottawa a toujours évoqué la somme de 200 000$ chacun. Cité dans Le Monde cette semaine, Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale française, a plutôt parlé d'«un million de dollar pour une machine».